Page:Rolland Clerambault.djvu/233

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substituer au peuple et de lui tondre la laine, en son nom solennel, pour le profit de quelques bons apôtres. En temps de paix, le peuple ne sait rien de ce qui se passe que ce que lui en disent, dans leur presse à l’attache et gavée, ceux qui ont intérêt à le berner. La vérité est mise sous clef. En temps de guerre, c’est mieux. C’est le peuple qui est mis sous clef. En admettant qu’il ait jamais su ce qu’il veut, il ne lui est plus possible d’en dire le moindre mot. Obéir. Perinde ac cadaver… Dix millions de cadavres… Les vivants ne valent guère mieux, soumis pendant quatre ans au régime déprimant de bourdes patriotiques, de parades de foire, de tam-tam, de menaces, de forfanteries, de haines, de délations, de procès de trahison, d’exécutions sommaires. Les démagogues ont convoqué jusqu’à l’arrière-ban des forces d’obscurantisme, pour éteindre les dernières lueurs de bon sens qui s’obstineraient dans leur peuple, et pour achever de le crétiniser.

« L’asservir ne suffit pas. Il faut le rendre si stupide qu’il veuille être asservi. Les formidables autocraties d’Égypte, de Perse, d’Assyrie, qui se jouaient de la vie des millions d’hommes, puisaient le mystère de leur pouvoir dans le rayonnement surnaturel de leur pseudo-divinité. Toute monarchie absolue a dû être, jusqu’à l’extrême limite des siècles de crédulité, une théocratie. — Dans nos démocraties, il est tout de même impossible de croire à la divinité d’un pitre, comme nos ministres véreux et méprisés : on les a vus de trop près, on connaît leurs couyonneries… Alors, ils ont