Page:Rolland Clerambault.djvu/248

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Clerambault se demandait si la loi d’amour qu’il sentait en lui n’était point faite pour d’autres mondes et d’autres humanités. Dans son courrier, il venait de trouver des lettres nouvelles de menaces ; et sachant que, dans la tragique absurdité des temps, sa vie était à la merci du premier fou venu, il souhaitait secrètement que cette rencontre ne se fit pas trop attendre. Cependant, de bonne race et bien enracinée, il continuait sa route, ainsi qu’à l’ordinaire, accomplissait méthodiquement ses actes quotidiens et s’y tenait fermement, afin d’aller jusqu’au bout, quel qu’il fût, du chemin qu’il s’était fixé, — tête haute, sans plier.

Il se souvint, ce jour-là, qu’il devait aller voir sa nièce Aline, qui venait d’accoucher. Elle était fille d’une sœur qui était morte et qu’il aimait. De peu l’aînée de Maxime, elle avait été sa compagne d’enfance. Jeune fille, elle avait un caractère compliqué : inquiet, insatisfait, rapportant tout à soi, voulant se faire aimer, voulant tyranniser, trop curieuse, attirée par les expériences dangereuses, un peu sèche, passionnée, rancunière, rageuse, et pouvant subitement se faire tendre, et séduire. Entre Maxime et elle, le jeu avait été loin ; il avait fallu y veiller. Maxime se laissait prendre, malgré son ironie, aux dures petites prunelles qui le transperçaient de leurs décharges électriques ; et Aline était irritée, attirée par l’ironie de Maxime. Ils s’étaient bien aimés et bien fait enrager. — Et puis, ils avaient passé à d’autres exercices. Elle avait jeté le trouble dans deux ou trois autres cœurs ; et elle s’était mariée, fort raisonnablement, quand elle