Page:Rolland Clerambault.djvu/259

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soin pour mourir, et que le sang de toutes les races est le même fleuve de vie qui s’y perd.

Et Clerambault, à qui la conscience de son devoir de grand aîné auprès de ces jeunes gens prêtait le calme, que seul il n’aurait pas eu, chargea leur messager de paroles d’espoir et de consolation.

— Non, vos souffrances ne sont pas perdues. Elles sont le fruit d’une erreur cruelle. Mais les erreurs mêmes ne sont point perdues. Le fléau d’aujourd’hui est l’explosion d’un mal qui ronge l’Europe depuis des siècles. Orgueil et cupidité, Étatisme sans conscience, peste capitaliste, machine monstrueuse de la « Civilisation », faite d’intolérance, d’hypocrisie, et de violence. Tout craque, tout est à refaire, et la tâche est immense. Ne parlez point de découragement ! Vous avez la plus grande œuvre qui soit offerte à une génération. Il s’agit de voir clair, par delà le feu des tranchées et les gaz asphyxiants dont vous aveuglent, autant que l’ennemi, les excitateurs de l’arrière. De voir le vrai combat. Il n’est pas contre un peuple. Il est contre une société malsaine, fondée sur l’exploitation et la rivalité des peuples, sur l’asservissement de la conscience libre à la machine-État. Les peuples résignés ou sceptiques ne l’eussent pas reconnu, avec cette tragique évidence, sans les souffrances de cette guerre qui les labourent. Je ne bénis pas la souffrance. Laissons cette aberration aux dévots des vieilles religions ! Nous n’aimons pas la douleur, et nous voulons la joie. Mais quand la douleur vient, au moins qu’elle nous serve ! Ce que vous souffrez, que d’autres ne le souffrent plus ! Allons,