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Page:Rolland Clerambault.djvu/277

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manque le bouquet : des gars qui, plantés devant, fument leur pipe, blaguent, ou pensent à autre chose. Il faut bien ! Sans ça, on crèverait… Tout de même, l’animal humain a une facilité à s’adapter à tout !… Il trouverait moyen de prospérer, au fond d’un dépotoir. Vrai, c’est à dégoûter de soi ! J’ai été ainsi, moi qui vous parle. Il ne faut pas vous figurer que je passais mon temps, comme le petit fait ici, à méditer sur mon crâne. Je trouvais, comme tout le monde, ce qu’on faisait, idiot. Mais puisque toute la vie est idiote, n’est-ce pas ?… On faisait ce qu’il y avait à faire, pour autant qu’il faudrait, en attendant la fin… La fin ? Une fin ou l’autre. La mienne, celle de ma peau, ou bien celle de la guerre. C’est toujours une fin… En attendant, on vit : on mange, on dort, on chie… Pardon ! Faut dire les choses… Et le fond de tout ça, monsieur, voulez-vous le savoir ? Eh bien, c’est qu’on n’aime pas la vie. On ne l’aime pas assez. Vous avez bien raison de le dire, dans un de vos articles : elle est fameuse, la vie ! Seulement, ils ne sont pas beaucoup, ceux qui ont l’air de s’en douter à présent. Pas beaucoup de vivants. Ce sont plutôt des dormants. En attendant le grand somme. Ils se disent : « Comme ça, on est tout couchés. On n’a plus à se déranger… » — Non, on ne l’aime pas assez, la vie ! On n’apprend pas à l’aimer. On fait tout ce qu’on peut pour vous en dégoûter. Depuis qu’on est petit, on nous chante la mort, la beauté de la mort, ou bien ceux qui sont morts. L’histoire, le catéchisme, « Mourir pour la patrie… » Ou bien c’est la calotte, ou bien les patriotes. Et puis, la vie embête. Cette vie