Page:Rolland Clerambault.djvu/295

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son petit cercle la lumière intime, l’ordre, la paix, la bonté. Et c’est là le bonheur.

— Ce n’est pas assez pour moi, dit Moreau. Cela laisse trop de place au doute. Il nous faut tout ou rien.

— Oui, votre Révolution ne laisse plus de place au doute. Ô cœurs brûlants et durs, cerveaux géométriques ! Tout ou rien. Plus de nuances ! Et qu’est la vie sans nuances ? C’est là sa beauté même, c’est aussi sa bonté. Beauté fragile, frêle bonté, partout faiblesse, faut l’aimer. Aimer, aider. Au jour le jour, et pas à pas. Le monde ne se transforme ni par des coups de force, ni par des coups de grâce, tout entier, tout d’un coup. Mais seconde par seconde, il mue dans l’infini ; et le plus humble qui le sent prend part à l’infini. Patience ! Une seule injustice effacée ne délivre pas l’humanité. Mais elle éclaire une journée. D’autres viendront, d’autres lumières. D’autres journées. Chacune apporte son soleil. Voudriez-vous l’arrêter ?

— Nous ne pouvons attendre, dit Moreau. Nous n’avons pas le temps. La journée que nous vivons pose des problèmes dévorants. Il nous faut les résoudre, sur-le-champ. Si nous n’en sommes pas les maîtres, nous en serons les victimes Nous ? Pas seulement nos personnes. Elles sont déjà victimes. Mais tout ce que nous aimons, ce qui nous retient encore à la vie : l’espoir en l’avenir, le salut de l’humanité Voyez tout ce qui nous presse, les angoissantes questions pour ceux qui viendront demain, pour ceux qui ont des enfants : cette guerre n’est pas terminée, et il est trop évident qu’elle sème déjà par ses crimes et par