Page:Rolland Clerambault.djvu/318

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trepied. Clerambault fut touché. Il ne s’était jamais guéri d’une confiance enfantine en le premier venu qui y faisait appel. Et puis, il n’était pas gâté par la presse de son pays. Il se laissa donc extraire, d’abondance de cœur, ses plus intimes pensées. L’autre grugeait, dévotement.

Une connaissance aussi étroitement engagée ne pouvait en rester là. Il y eut échange de lettres, où l’un faisait parler, et où l’autre parlait. Thouron engageait Clerambault à mettre sa pensée en petits tracts populaires ; et il se faisait fort de la répandre dans les milieux ouvriers. Clerambault hésitait, refusait. Non pas qu’il réprouvât, en principe, comme le font hypocritement les partisans de l’ordre et de l’injustice régnants, la propagande secrète d’une vérité nouvelle, quand nulle autre propagande n’est possible : (toute foi opprimée couve dans les Catacombes). Mais, pour son compte, il ne se sentait pas fait pour cette action : dire tout haut ce qu’il pensait, et accepter ensuite les conséquences de sa parole, c’était son rôle ; la parole se répandra d’elle-même : il n’avait pas à s’en faire le colporteur. D’ailleurs, un instinct secret, dont il eût rougi s’il lui avait permis de s’énoncer, le tenait en méfiance contre les offres de service de son commis voyageur. Il ne put toutefois mettre un frein à son zèle. Thouron publia dans son journal une apologie de Clerambault ; il y racontait ses visites et ses conversations ; il exposait les pensées du maître, et il les paraphrasait. Clerambault s’étonnait, en les lisant : il ne s’y reconnaissait plus. Cependant, il ne pouvait