Page:Rolland Clerambault.djvu/320

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hantise du temps voyait la main de l’ennemi. La justice, docile au mot d’ordre d’en haut, ne pouvait manquer de trouver un lien entre ces tripotages et l’activité soi-disant pacifiste que Thouron exerçait dans son journal, d’une façon irrégulière, incohérente, en la coupant de brusques accès d’exterminisme. On le rattacha, comme il convenait, au « grand complot Défaitiste » ; et le dépouillement de sa correspondance permit d’y compromettre tous ceux que l’on voulut : comme il avait eu soin de garder toutes ses lettres, et qu’il en avait de tous les partis, on n’avait que l’embarras du choix. On choisit.

Clerambault apprit, par les journaux, qu’il était un des élus. Ils exultaient ! — Enfin ! On le tenait donc ! Tout s’expliquait maintenant. Car, n’est-ce pas ? pour qu’un homme pense autrement que tout le monde, il faut qu’il y ait là-dessous quelque vilain mobile ; cherchez, et vous trouverez On avait trouvé. Sans plus attendre, un journal parisien annonça « la trahison » de Clerambault. Il n’y en avait point trace dans les dossiers de justice ; mais la justice laisse dire, elle ne rectifie pas : ce n’est pas elle qui est en cause. Clerambault, convoqué chez le juge d’instruction, priait en vain qu’on lui dit son délit. Le juge était poli, lui montrait les égards qu’on devait à un homme de sa notoriété ; mais il ne semblait nullement pressé d’en finir ; il avait l’air d’attendre… Quoi donc ? — Le délit.