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Page:Rolland Clerambault.djvu/324

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bault, c’est la seule parole sensée que tu aies dite de ta vie.

— Tu vois bien ! dit Clerambault. — Et il lui fit promettre de ne parler de rien à Rosine : qu’elle fut libre d’arranger à sa guise son petit roman.

Quand Rosine rentra, elle était radieuse, mais ne raconta rien. Mme Clerambault eut grand’peine à se taire. Clerambault observait avec un affectueux amusement le bonheur revenu sur le visage de sa fille. Il ne savait pas exactement ce qui s’était passé ; mais il s’en doutait bien : — Rosine l’avait gentiment jeté par-dessus bord. Les deux amoureux avaient conclu leur entente, aux dépens des parents. Tous deux avaient blâmé, avec une admirable équité, les exagérations opposées de ces vieilles gens. Les années de souffrance dans la tranchée avaient, sans ébranler son patriotisme, désabusé Daniel de l’étroit fanatisme de sa famille. Et Rosine — donnant donnant — avait admis doucement que son père s’était trompé. Elle n’avait pas eu un grand effort à faire pour mettre d’accord son cœur pieux et un peu fataliste avec l’acquiescement stoïque de Daniel à l’ordre établi. Ils étaient bien décidés à aller leur chemin ensemble, sans plus se soucier des dissentiments de ceux qui, comme on dit, venaient avant eux, — que plus exactement, ils laissaient derrière eux. Ils ne voulaient pas davantage se préoccuper de l’avenir. Comme des millions d’êtres, ils ne demandaient au monde que leur part de bonheur actuel et fermaient les yeux sur le reste.

Mme Clerambault était sortie, dépitée que sa fille