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Page:Rolland Clerambault.djvu/355

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tué. Il ne se comptait pas au nombre des meurtriers.

Les moyens de vengeance lui étaient mesurés. Rhumatisant, ankylosé d’un bras, il voulut s’engager, et ne fut pas accepté. Il fallait pourtant agir. Il ne le pouvait que par la pensée. Seul, dans sa maison déserte, avec pour compagnie, sa femme morte, son fils mort, il était, pendant des heures, livré à ses violentes méditations. Comme une bête en cage, qui secoue ses barreaux, elles tournaient furieusement dans le cercle de la guerre, que barraient les tranchées, — attendant pour se ruer et guettant la trouée.

Les articles de Clerambault, signalés par les hurleurs de la presse, l’exaspérèrent. Quoi ! on parlait de lui arracher des dents l’os de la haine !… Par le peu qu’il connaissait de Clerambault, déjà, avant la guerre, il ne pouvait le souffrir. L’écrivain lui était antipathique par ses formes d’art nouvelles, et l’homme par son amour de la vie et des hommes, par son idéalisme démocratique, son optimisme un peu benêt, et ses aspirations européennes. Du premier coup d’œil, avec l’instinct du rhumatisant (d’esprit et d’articulations). Vaucoux avait classé Clerambault parmi ceux qui font des courants d’air dans la maison aux portes et fenêtres closes, — la Patrie. La Patrie, comme il l’entendait : pour lui, il n’en était pas d’autre. Il n’eut pas besoin des excitations des journaux pour voir dans l’auteur de l’Appel aux Vivants et du Pardon aux Morts, l’agent de l’ennemi, — l’ennemi.

Et sa fièvre de vengeance, qui se rongeait, se jeta sur cet aliment.