Page:Rolland Clerambault.djvu/356

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Ah ! Dieu ! qu’il est commode de haïr sans comprendre ceux qui ne pensent pas comme vous !

Clerambault n’avait plus cette ressource. Il comprenait ceux qui le détestaient. Il les comprenait parfaitement. Ces braves gens souffraient, jusqu’à la fureur, de l’injustice de l’ennemi. Sans doute, parce qu’elle les atteignait. Mais aussi, loyalement, parce qu’elle était l’Injustice, l’Injustice avec un grand I : car, comme ils étaient myopes, elle leur paraissait énorme et unique, elle bouchait le champ de leur vision. Combien est limitée, chez un homme ordinaire, la capacité de sentir et de juger ! Submergé dans l’espace, il se raccroche aux premiers débris flottants ; de même qu’il réduit à quelques couleurs le ruisseau de la lumière aux nuances infinies, le bien et le mal qui coulent dans les veines de l’univers ne lui sont perceptibles que s’il les embouteille dans quelques exemples choisis auprès de lui. Tout le bien, tout le mal du monde, tient dès lors dans le flacon. Il projette là-dessus toute sa puissance d’amour et de répulsion. Pour des milliers