Page:Rolland Clerambault.djvu/377

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d’exploiter la partie gagnée, ou d’opérer un rétablissement sur le trapèze, s’ils ont mal calculé. Les professionnels de la guerre chercheront à faire durer le plaisir, ou, s’il ne leur est pas permis, à le renouveler, le plus tôt qu’il sera possible. Les pacifistes d’avant-guerre se retrouveront au poste, tous sortis de leurs trous ; ils s’étaleront en démonstrations émouvantes. Les vieux maîtres, qui ont battu le tambour à l’arrière pendant cinq ans, reparaîtront, la palme d’olivier à la main, souriants, la bouche en cœur, parlant d’amour. Les combattants qui juraient, dans la tranchée, de ne jamais oublier, seront prêts à accepter toutes les explications, les congratulations et les poignées de main qu’on voudra leur donner. Il est bien trop pénible de ne pas oublier ! Cinq ans de fatigues écrasantes disposent aux complaisances, par lassitude, par ennui, par désir d’en finir. Les flonflons de la victoire étoufferont les cris de douleur des vaincus. Le plus grand nombre ne penseront qu’à reprendre les vieilles habitudes somnolentes d’avant-guerre. On dansera sur les tombes, et puis, on dormira. La guerre ne sera plus qu’une vanterie de veillée. Et qui sait ? Ils réussiront peut-être si bien à ne plus se souvenir, qu’ils aideront les maîtres de la danse (la Camarde) à la recommencer. Pas tout de suite, mais plus tard, quand on aura bien dormi… Ainsi, ce sera la paix partout — en attendant que ce soit partout la guerre nouvelle. Paix et guerre, mes amis, au sens où on les entend, ne sont que deux étiquettes pour un même flacon. Comme disait le roi Bomba de ses vaillants soldats, « habillez-les en rouge,