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DÉVELOPPEMENT DE L'OPÉRA ARISTOCRATIQUE EN ITALIE. 123

missements des damnés; et les louanges de Dieu remplissent l'univers.

C'est le thème indéfiniment répété de l'oratorio au dix-septième siècle. Il n'est pas aussi ennuyeux qu'on pourrait le croire. Il ar- rive même, vers 1650, sous la plume élégante d'un pape, à trou- ver quelque intérêt de pensée et d'expression (1). Le genre est peu vivant; mais il prête à l'analyse de la vie, du mécanisme de l'âme, et un observateur spirituel, comme le cardinal Rospigliosi, y trouvera l'emploi de ses qualités de psychologie mondaine et d'ironie bienveillante.

L'œuvre de Gavalliere est un peu enfantine, mais non sans vé- rité. La gravité et la sincérité caractérisent la poésie , et surtout la musique. Ambros l'a traitée avec une rare dureté, qui laisse douter qu'il l'ait lue (2). Certes, il y a là peu de concessions au goût profane; nulle part, il n'y a place pour le rire, et la grâce n'est pas familière à Cavalliere. Mais en revanche, quel sérieux, et quelle émotion virile et concentrée! Le dialogue delà chair pé- cheresse que la douleur déchire, et de l'âme paisible et délivrée, est d'une rare beauté. Bien des passages rappellent les angoisses intimes de Bach. Le chant des damnés respire l'effroi, et annonce le chef-d'œuvre de Carissimi. Une forte tristesse règne sur tout l'ouvrage et s'éclaire parfois d'un sourire de paix divine , quand chantent les élus. Tout cela est encore bien simple, bien naïf, souvent un peu rustique, avec des gaucheries, des inexpériences et des duretés. Mais c'est une œuvre saine, et elle témoigne d'une âme haute, telle qu'on ne s'attendrait plus à en trouver encore en Italie, au commencement du dix-septième siècle. Ce n'est pas la dernière occasion que nous aurons de montrer tout le sérieux de caractère et la profondeur de pensée qui se cachent sous la dé- cadence italienne.

L'essai de Cavalliere dut amener de nombreuses imitations. La première que nous connaissions (3), est YEumelio (4), d'Agazzari.

(1) Voir plus loin.

(2) Ambros, qui est le premier des historiens allemands de la musique par la liberté intelligente de ses jugements et la chaleur communicative de son émotion, est en revanche le moins sûr des guides ; il est rarement im- partial et toujours passionné.

(3) Le cardinal Capecelatro mentionne, en 1G03, un oratorio do Francesco Gadalupi Borsani de Reggio, pour une Image de la Madone.

(4) Eumelio, dramma pastorale, recitato in Roma, nel Seminario Romano nci giorni dcl Carnevale, con le musiche dell' Armonico Intronato, l'anno 1606. — Novamente posto in luce. — Venise, Amadino, 1G06. 3 actes. (Seul exemplaire connu, à la bibliothèque Sainte-Cécile de Rome.)

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