Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/138

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Agostino Agazzari (1), gentilhomme siennois, et maître de musique au collège germanique de Rome, fit pénétrer l’un des premiers la vie expressive dans les compositions d’église. Son Eumelio, drame pastoral, fut joué plusieurs fois au séminaire romain, pendant le carnaval de 1606. La musique en est facile et assez gracieuse , mais un peu lâchée. L’auteur en donne pour raison qu’il l’a écrite en quinze jours (2); il en abuse pour répéter intégralement, deux ou trois fois de suite, chacune de ses mélodies. Le pire est qu’il veut mettre cette déplorable négligence sur le compte des anciens. « Je n’ai pas trouvé de raison, » dit-il, « pour que l’on change toujours les mélodies d’un personnage, quand le sentiment reste le même. C’est seulement quand il varie, que le compositeur doit se plier à l’expression. Je ne crois pas que les musiciens de l’antiquité aient agi autrement dans leurs comédies et tragédies, ni qu’Homère, chantant son poème sur la lyre, ait toujours inventé de nouveaux airs. » C’est avec ces miséra- bles raisons, qu’Agazzari excuse sa pauvreté d’invention , et que la plupart des musiciens de la première moitié du siècle, se croiront dispensés de trouver des mélodies, au nom de l’art antique.

Le sujet de YEumelio, comme celui de Y Anima, est une allégorie dévote; mais elle a revêtu ici des costumes païens. C’est l’histoire d’un beau pâtre d’Arcadie , Eumelio, aimé d’Apollon , et qui lui a voué son cœur chaste et ses chants. Les vices le séduisent; il s’abandonne à eux; ils l’entraînent au Tartare. Apollon vient l’y chercher. Il l’obtient de Pluton ; l’Enfer se révolte et veut garder sa proie; Pluton écrase les rebelles. Eumelio revoit avec extase les belles rives d’Arcadie et rend grâces à son dieu avec humilité. Apollon lui fait un affectueux petit sermon , et la pièce finit par les danses des pasteurs appelés par Mercure. Quelques scènes sont assez touchantes, comme l’arrivée d’Apollon sur les rives du Styx (acte III, scène 1). Il chante à son Eumelio, lui reproche tendrement ses fautes et cherche à le consoler. Eumelio l’entend du fond des enfers, gémit et l’appelle. La scène de l’Enfer est assez vigoureusement traitée. Le dialogue a de

(1) Agostino Agazzari, né le 2 décembre 1578 à Sienne, mort le 10 avril 1640 membre de l’académie des Intronati (d’où son surnom : l’Armonico intronato). Il fut ami de Viadana et passa quelque temps à la cour de l’empereur Mathias. Il écrivit plusieurs livres de madrigaux. Proske {Musica divina) a publié quelques-uns de ses airs religieux.

(2) Il ne fut prévenu, dit-il, qu’un mois avant le carnaval.