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146 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

Ignace de Loyola, où le Christ apparaissait. Il composa aussi une Sainte Irène et une Galatée (1). Cette dernière nous a été heureu- sement conservée. C'est un chef-d'œuvre de l'art récitatif.

Le poème, qui est aussi de Vittori, a de la grâce et du naturel. Le sujet a inspiré à Hsendel une de ses plus fraîches compo- sitions, toute lumineuse de jeunesse et de gaieté (2). Il y a aussi de la lumière, et la sérénité d'un ciel italien dans quelques parties de l'œuvre de Vittori (3) ; mais c'est surtout par l'émotion d'un cœur amoureux et malheureux d'amour, qu'elle se distingue de Hsendel et garde son caractère propre de grandeur dramatique. Le musicien retrouve le sentiment antique, moins dans la joie que dans la douleur. Certains chœurs lamentos ont une hauteur de calme tristesse, digne di*sujet(4). Le style est toujours simple et fort ; et deux pages sont pénétrées d'un souffle dramatique qui émeut encore, comme une œuvre de Racine. L'une est la gra- cieuse scène, toute voilée de mélancolie, où Galatée, « quasi » presaga de'futuri affanni » (prévoyant sa peine prochaine) , s'afflige de l'éloignement d'Acis, et où l'écho répond à ses craintes en soulignant leur vague mélancolie et transformant la voix secrète de son âme en soupçon cruel (5). L'autre, d'une passion douloureuse, est celle d'Acis abandonné par Galatée qui l'accuse (6). Le chant est d'une superbe expression , simple et profonde. Le cœur avive sa blessure au souvenir de son bonheur passé; il palpite de souffrance; il s'abandonne, dans son morne déses- poir; il se dévore lui-même, haletant, éperdu, jusqu'à ce qu'il

��(1) La Galatea, dramma del Cav. Loreto Vittori da Spoleti, dal medesimo posta in Musica, e dedicata ail Em mo e Rev m0 sig r cardinal Antonio Barbe- rino. Rome, Vincenzo Bianchi, 1639 (Seuls exemplaires connus : à Rome, Bibl. Sainte-Cécile, Barberini , et Borghèse , avec frontispice dessiné par Andr. Anco., gravé par Hor. Brun. Sen. aux armes Barberini) (142 pages) .

On connaît aussi un volume d'Ane a voce sola del Caval. Loreto Vittori, dédié à D. Olimpia Aldobrandini Panfili, princesse de Rosano. (La moitié des poésies sont de Vittori.) Venise, Vincenti, 1649 (Exemplaires à Londres, Breslau et Wolfenbùttel).

(2) Aci, Galatea e Polifemo, 1710.

(3) Surtout dans la belle scène du Triomphe de Galatée, que Protée con- duit au milieu de la mer, accompagnée de Vénus et de l'Amour, parmi les chants des divinités marines (scène dernière, p. 110). On trouve aussi un certain sens du pittoresque (chœur de pêcheurs, fin de l'acte I, p. 39). g Le rôle de Polyphème (poésie, et musique) est d'une rare saveur, franche, agreste et violente.

(4) Acte III, scène 3.

(5) Acte II, scène 4, p. 70.

(6) Acte III, fin de la scène 1, p. 95.

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