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202 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

ans, de 1609 à 1612, sous la direction de son maître (1). Gabrieli sut le conquérir tout entier; il enfonça en lui la puissante mar- que de son génie grandiose (2), et il lui inspira une affection pro-

��che m'hà fatto partecipe dell' oro délie sue sponde, si ricche in questa qua- lité di studii, che né al Tago , ne al Pattolo invidiar certo ponno. » (Dédi- cace du premier livre des madrigaux de Henrico Sagittario (Schùtz) Ale- manno, à Maurice, landgrave de Hesse. Venise, 1 er mai 1G11.)

G. Gabrieli était un des Italiens les plus célèbres en Allemagne. Sept recueils de ses œuvres y avaient été publiés avant 1609 (dont six à Nurem- berg). Cette estime était générale, et partagée même en Italie. H. Vecchi dit de lui : « Il Signor G. Gabrieli frà quegli délia prima schiera de virtuosi stimatissimo frà noi. » (Dédie, des Veilles de Sienne, 1604.)

Dans le même temps, la réputation de Gabrieli attirait à Venise le Danois Fonteijo, le Danois Petreo (Petersen), le Westphalien Grabbe, Clemsee, en- voyé par les comtes de Slesvig-Holstein, etc. (Voir les dédicaces de leurs œuvres à ce « vivo sole délia musica >> , « perfectorum musicorum omnium ejus aetatis, ocellum et Italiae gemmam. ») — Gabrieli était personnellement l'ami d'un grand nombre d'illustres Allemands, tels que J.-L. Hassler (a), de Nuremberg; Gruber, et les Fugger, d'Augsbourg. Invité aux noces de Fug- ger en 1597, il lui dédia la première partie de son plus célèbre ouvrage, les Symphoniae sacrae. Venise, Gardane. Il ne réussit jamais à aller en Alle- magne, comme il le désirait.

Winterfeld a consacré à ce grand musicien son ouvrage, un des plus im- portants de l'histoire de la musique : Johannes Gabrieli und sein Zeitalter. Berlin, Schlesinger, 1834, 2 vol. in-4o. — Giovanni Gabrieli, né à Venise en 1557, mort le 12 août 1613, organiste de Saint-Marc, était le neveu d'Andréa Gabrieli (1510-1586) dont nous avons parlé page 61, l'auteur des chœurs d'Œdipe Roi.

(1) De cette époque datent des Madrigaux italiens de Schùtz. (Venise, Gardane, 1611.) Unique exemplaire à Cassel, 9 e vol. des œuvres complètes.

Sur 19 madrigaux, 6 sont des traductions musicales de scènes du Pastor fido. On y sent (surtout dans le 11 e ), une recherche de l'expression drama- tique du même ordre, et avec les mêmes moyens, que Vecchi (fin de la scène ni de l'acte n du Pastor).

(2) Les Allemands ont dû, sans doute, à cette influence de Gabrieli, la richesse relative de leur instrumentation au dix-septième siècle, le souci qu'ils en eurent, et la puissance de l'effet. Il est curieux qu'ils aient préféré le modèle des maîtres Vénitiens à celui des Romains et de l'Ecole de Pa- lestrina. L'imagination pompeuse , joyeuse et triomphante de Gabrieli (qui est à la musique du seizième siècle ce que Véronèse est à la peinture) n'au- rait pas dû, semble-t-il, avoir le même attrait pour eux qu'un art plus sobre d'effet et plus riche en pensée. Mais Venise était un peu une terre allemande, le lieu de passage obligé des voyageurs. Les contraires ont d'ailleurs tou- jours attiré les artistes chez qui l'intelligence est plus forte que la volonté. De tous les peintres italiens , — qui le croirait? — celui pour lequel Men-

(a) Bach a emprunté à Hassler plusieurs de ses mélodies de la Passion selon saint Matthieu pt du Weinachts-Oratorium.

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