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250 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

la Pastorale en musique, ou V 'Opéra dlssy , représenté au mois d'avril à Issy, près Paris, dans la maison de M. de la Haye. On avait évité Paris et l'affluence du public, pour pouvoir juger avec plus de liberté de l'essai artistique. C'était une épreuve analogue à la Dafne de Péri, dans la maison de Bardi.Il y a pourtant une grosse différence. L'opéra d'Issy, en cinq actes, est simplement un concert dramatique ; ses quatorze scènes ne sont que quatorze chansons liées arbitrairement ; elles représentaient « les divers mouvements de l'âme qui peuvent paraître sur le théâtre. » La tentative rappellerait donc plus encore le travail de Vecchi dans les Veilles de Sienne, que celui de la Gamerata.

La représentation eut un très grand succès (1). Une lettre de Perrin au cardinal de la Rovère la raconte longuement (2). « Les charmes de la nouveauté, la curiosité d'apprendre la réussite d'une entreprise jugée impossible, et trouvée ridicule aux pièces ita- liennes, en d'aucuns, la passion de voir triompher notre langue, » décidèrent du triomphe. — Perrin se trahit. Le chauvinisme français fit sans doute la moitié du chemin (3) ; le talent de Cam- bert fit le reste. La petite phrase de Saint- Evremond nous met

��(1) « Ce fut comme un essai d'opéra, qui eut l'agrément de la nouveauté; mais ce qu'il eut de meilleur encore, c'est qu'on y entendit des concerts de flûtes, ce que l'on n'avait pas entendu sur aucun théâtre depuis les Grecs et les Romains » (Saint-Evremond, Comédie des Opéra).

(2) La lettre est imprimée en tête de la Pastorale, dans les œuvres de Perrin, Paris, Est. Loyson, 1661. Elle est datée du 30 avril 1659. M. Wec- kerlin l'a reproduite dans sa préface de Pomone.

(3) Perrin ne craint pas de dire dans sa lettre au cardinal, que « cette manière de représentation en Italie même est toute nouvelle et inventée par quelques musiciens modernes, depuis vingt ou trente ans. » Il ose en- core, pour grandir son succès, adresser à la musique italienne des sarcas- mes, qui ne seraient même pas tolérables chez les plus ignorants. Il traite leur style do « plainchants et airs de cloistre, que nous appelons des chan- sons de vielleur ou du ricochet, une musique de gouttières. » Affirmant son inaptitude à comprendre l'art étranger, il lui reproche de se servir de co- médies écrites pour la récitation, c'est-à-dire de tragédies musicales.

Son enthousiasme pour ses œuvres est sans bornes. Sa Pastorale est toute composée « de pathétique et d'expressions d'amour, de joye, de tristesse, de jalousie, de désespoir. » La variation des voix avec le mélange des ritournelles lui fait un effet si merveilleux, qu'il croyait (il écrit : « on croyait ») « que la pièce qui durait depuis une heure et demie n'avait duré qu'un quart d'heure. »

Il entonne un hymne à sa gloire. « J'ay défriché une terre neuve et fourny à ma nation un modèle de comédie française en musique, 1° dans le genre pastoral. Mon Ariane leur en fera voir un dans le comique, et dans la tragédie, La Mort d'Adonis.

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