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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/265

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L'OPÉRA EN FRANCE. 251

aussi en défiance. Les concerts de flûtes, à la mode grecque, nous semblent trop bien faits pour amuser à la fois les beaux esprits et les amateurs français. Quoi qu'il en soit, nous n'en pouvons juger que par les récits du temps ; la pièce a disparu. Après huit ou dix représentations, l'opéra d'Issy fut donné au château de Vin- cennes (1), devant le roi et la cour; il y eut le même succès. On est un peu surpris que Gambert ait attendu dix ans pour renou- veler sa tentative, et pour en céder l'honneur à d'autres (2).

��(1) « ... où elle eut une approbation pareille et inespérée, particulière- ment de Son Eminence, qui so confessa surprise de son succès. » C'est Mazarin qui engagea Cambert à lui donner une nouvelle œuvre, et Perrin se mit aussitôt au travail, et écrivit Y Ariane ou le Mariage de Bacchus, « ajustée à la paix que nous espérons. » — On le voit , c'est toujours ce ca- ractère d'à-propos, de festival, donné à tant de compositions musicales en France. Ce ne sont pas des œuvres qui vivent en soi et pour soi. — Voir, sur les deux représentations d'Issy et de Vincennes , Loret et ses beaux vers {Muse historique. Samedi 10 mai 1659, samedi 31 mai 1659). L'opéra d'Issy fut donné sans ballets ni machines, « dans deux cabinets de ver- dure. » Le comte et le chevalier de Fiesque y jouèrent à Vincennes.

(2) La mort de Gaston d'Orléans en 1660, et celle de Mazarin en 1661, pri- vèrent sans doute Cambert de ses plus influents protecteurs.

La même année (19 février 1659), Lully met en scène, dans son Ballet de la Raillerie, la lutte de la musique française et do la musique italienne. L'une était représentée par M Uo de la Barre, l'autre par la S a Anna Berge- rotti. Le dialogue ne manque pas de finesse; il caractérise assez bien l'art des deux pays :

La Musique italienne. O musique françoise ! apprends moy, je te prie,

Ce qui te semble en moy digne de raillerie. La Musique françoise. Le trop de liberté que tu prends dans tes chants,

Les rend parfois extravagans. La Musique italienne. Toy, par tes notes languissantes,

Tu pleures plus que tu ne chantes. La Musique françoise. Et toy, penses-tu faire mieux

Avec tes fredons ennuyeux ? La Musique italienne. Mais ton orgueil aussi ne doit pas se promettre,

Qu'à ton seul jugement je me veuille soumettre. La Musique françoise. Je composeray comme toy,

Si tu veux chanter comme moy. La Musique italienne. Si mon amour a plus de violence ,

Je dois chanter d'un ton plus fort.

Quand on se void prest de la mort,

Le plus haut que l'on peut on demande assistance. La Musique françoise. Mon chant fait voir par sa langueur

Que ma peine est vive et pressante.

Quand le mal attaque le cœur,

On n'a pas la voix éclatante. Toutes deux. Cessons donc de nous contredire,

Puisque dans l'amoureux empire,

Où se confond incessumment

Le plaisir avec le_tourment ,

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