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L'OPÉRA EN FRANCE. 263

possible d'imaginer qu'une haute forme de l'art se transforme en une autre digne d'elle et mieux accommodée à des besoins nou- veaux, (bien que ces métamorphoses soient toujours périlleuses pour le génie d'un peuple). L'opéra de Mozart n'est certainement

��consumée, apparaît et supplie Jupiter; la foudre tombe, le héros est préci- pité du haut des cieux.

11 n'est pas surprenant que Quinault se soit découragé de chercher un intérêt vivant et humain dans un sujet de féerie si matérielle, et son livret est un des plus pauvres qu'il ait écrits. Cependant Phaêton enchanta le pu- blic, au point que huit mois de représentations satisfirent à peine sa curio- sité. Ce fut le plus populaire des opéras de Lully, « l'opéra du peuple. » [On le joua à Lyon en 1687. On vint de trente lieues à la ronde pour le voir.]

On avait parcouru bien du chemin depuis les anciennes pièces de l'Hôtel de Bourgogne, où une naïve convention permettait de représenter à la fois, en un même décor, les diverses scènes où devait se passer l'action (voir le Registre de Laurent Mahelot, chef machiniste de l'Hôtel de Bourgogne, continué par ses successeurs, lG'SO-ieSO, mss. Bibl. Nat.). — C'est ainsi que dans La Folie de Clidamant, de Hardy, le théâtre représentait « au milieu un beau palais, à droite une mer avec un vaisseau et des mâts, à gauche une belle chambre avec un lit et des draps. » — Les premières pièces de Corneille (L'Illusion comique) furent ainsi jouées.

C'est Torelli et Vigarani qui apportèrent d'Italie l'art de la décoration; il prit en France un développement inattendu. Telle description de ballet ou de fête (dès 1656, le ballet donné à la reine Christine par Hesselin) touche à la folie; les images ne demeurent pas un instant immobiles, elles se fon- dent et se mêlent constamment. L'œil ne trouve plus une forme sur laquelle l'esprit puisse se reposer avec certitude; c'est une suite de rêves qui se succèdent et se contredisent sans fin. Il n'est pas possible qu'une pareille débauche d'imagination n'ait pas eu une influence funeste sur l'art et le goût français. Elle eût été bien plus dangereuse si la perfection des ma- chines avait eu à son service comme aujourd'hui les jeux de la lumière. (Jusqu'au commencement de ce siècle, l'éclairage est resté fort arriéré au théâtre. En 1783, la rampe do l'Opéra était éclairée par huit cents mèches de lampions.)

Le goût du merveilleux factice, des contes auxquels on ne croit plus que par passe-temps, tue l'art sincère et vrai : « Si Peau d'Ane m'était conté..., etc m II est remarquable que le caractère du dix-septième siècle dévie dune façon singulière. Il rêve; il s'abandonne aux « fictions » voluptueuses, comme dit La Bruyère dans sa défense des machines, à « celle douce illu- sion qui esl tout le plaisir du théâtre. »

Saint-Evrcmond propose très sagement do mettre tout son luxe aux dé- cors plutôt qu'aux machines.

Voir, sur cette question de la mise en scène au dix-septième siècle, l'étude de Pcrrin (dans les Annales du théâtre et de la musique, de Nool et Stoul- lig, 8« année, 1882); Fournel, Les Contemporains de Molière; la Gazette do Renaudot, et les dessins conservés au Cabinet des Estampes et à la Biblio- thèque de l'Institut.

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