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270 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

de musiques, où sa poésie philosophique surnage à peine. La claire pensée française, son juste sens de l'eurythmie, qui met en œuvre tous les arts, en les subordonnant harmonieusement à l'action, a été cette fois bien près de deviner le génie artistique de la Grèce (1).

Plus complet encore et plus vivant, l'esprit de Molière applique à la tragédie les ressources de l'art lyrique (2), et, dans la comé- die, donne les modèles de l'art nouveau que rêve Saint-Evre- mond (3). La musique jette dans le Sicilien le scintillement et la

(1) Racine avait même accepté de MM me8 de Montespan et de Thianges, la charge d'écrire un opéra. Boileau lui en fit de vifs reproches. Il convint de la justesse des critiques; mais trop avancé pour reculer, il commença un opéra sur la chute de Pfiaéton. « Comme il n'entreprenait cet ouvrage qu'à regret, » il obligea Boileau à en partager l'ennui , pour le lui rendre plus supportable. Par bonheur, dit Boileau, Quinault parvint à les supplanter... « Sic nos servavit Apollo. » (Boileau, Fragment d'un prologue d'opéra.)

Du moins Racine écrivit-il une pastorale en un acte pour Lully {L'Idylle sur la Paix, 1685, jouée à l'orangerie de Sceaux, cnez Seignelay). On prête aussi à Boileau quelque part à l'opéra de Bellerophon, par Thom. Corneille et Fontenelle (janvier 1679). Lui-même prétendait y avoir collaboré, au moins par des conseils : « Tout ce qui s'y est trouvé de passable, c'est à moi qu'on le doit. »

(2) Psyché, tragi-comédie ballet en vers libres (carnaval 1670). — La partie chantée , qui est plus particulièrement mythologique, (c'est-à-dire fantastique), et sensuelle, est de Quinault. C'est un véritable opéra à soi seul. Le premier intermède, en italien, qui exprime la douleur de la mort de Psyché (« Deh ! piangete... ») est de Lully. Les quatre autres intermèdes représentent : Vulcain et les Cyclopes forgeant le palais d'Amour; —les Zéphyrs et les Amours charmant Psyché pendant l'absence d'Amour; — les Enfers, la mer de feu, la danse des Furies; — l'Olympe et les noces de Psyché.

(3) Molière, malheureusement pressé par son incessante production, et manquant de la troupe nécessaire, n'a pu mener à la perfection l'art dont il a eu le sentiment très net dans une heure de réflexion. Un hasard l'y amena. Il voulait donner un ballet avec Les Fâcheux (20 août 1661); « et comme il n'y avoit qu'un petit nombre choisi de danseurs excellents, on fut contraint de séparer les entrées de ce ballet, et l'avis fut de les jeter dans les entr'actes de la comédie, afin que ces intervalles donnassent temps aux mêmes baladins de revenir sous d'autres habits; de sorte que, pour ne point rompre aussi le fil de la pièce par ces manières d'intermèdes, on s'avisa de les coudre au sujet du mieux que l'on put, et de ne faire qu'une seule chose du ballet et de la comédie. » Le temps manqua pour fondre parfaitement les deux arts. « Quoi qu'il en soit, c'est un mélange qui est nouveau pour nos théâtres, et dont on pourrait chercher quelques autorités dans l'anti- quité; et comme tout le monde l'a trouvé agréable , il peut servir d'idée à d'autres choses qui pourroient être méditées avec plus de loisir. » (Au lecteur.) — Il se pourrait que l'essai do Molière ait plus fait que l'opéra d'Issy, pour le triomphe de l'opéra en France.

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