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L'OPÉRA EN ANGLETERRE. 297

cence, et La chute de Vhomme } sous le nom d'opéras; mais il n'y a pas de chant ; la musique est seulement instrumentale. Les pièces sont d'ailleurs impossibles à jouer. Dryden y paraphrase en scènes dramatiques d'un goût baroque, Le Paradis perdu. En 1685, il donna un véritable opéra, Albion et Albanus (1), plein d'allusions politiques, et représentant sous forme d'allégories la restauration des Stuarts et leur récente victoire sur les Wighs. Le succès fat médiocre, et la pièce tomba définitivement à la nouvelle de l'in- vasion de Monmouth, apprise au milieu de la sixième représen- tation (13 juin 1685). Elle ne manquait point de mérite. La mu- sique est du Français Grabu (2), venu à la cour avec Gambert, et ami de Dryden. Elle est claire, élégante, d'une mélodie facile et superficielle. Son caractère italo-français, et la préface de Dryden qui soumet l'art national à l'idéal étranger, en fait une sorte de manifestation latine ; elle concorde avec la politique des Stuarts, et se heurte presque aussitôt, comme elle, à la révolution de 1688, qui réveille le sentiment national.

« Un opéra, » dit Dryden, « est un conte poétique, ou une fiction, représentée par une musique vocale et instrumentale, ornée de décors, de machines et de danses. Les personnages en sont les dieux, les déesses et les héros. La partie récitative demande une beauté plus mâle d'expression et d'harmonie. L'autre (songisfi party) doit plaire à l'ouïe par son charme et la variété do ses rythmes, plutôt que satisfaire à la raison. Il semble d'abord étrange que la rime prenne la place de la raison ; mais il faut avant tout poser cette vérité essentielle : que les inventeurs d'un art ou d'une science, les premiers qui les ont portés à la perfec- tion , ont le droit de leur donner des lois, que tous les autres de- vront suivre. Il en est ainsi pour l'Opéra, où l'exemple des Italiens doit avoir sur les autres peuples force de loi. »

On le voit; c'est une abdication complète, non seulement du

��(1) Albion and Albanius, an Opéra, or Représentation in Musich, set by Lewis Grabu, esquire; master of his lato Majesty's Musick. 15 mars 16S6-7. London, Will. Nott, et chez l'auteur (La Bibliothèque du Consorvatoiro de Paris en possède un exemplaire).

(2) Louis Grabu, établi à Londres vers 1G80. Il écrivit aussi la musique pour la traduction de V Ariane de Cambert, ou du moins l'adapta aux paroles anglaises. Il y aurait lieu de fairo des recherches sur ce musicien français, au nom si peu français.

Le parti national fut blessé par sa pièce, et l'on fit une ballado satirique dont le refrain finit sur ces mots : « And monsieur Grabu. » (Hawkins la cite dans son histoire, t. IV, 396.)

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