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l'antiquité et le drame lyrique florentin. 67

succès auprès des habitués de Bardi, mais souleva de violentes discussions au dehors, et la colère des vieux musiciens. »

Galilei ne s'en tint pas là, et mit en musique des fragments de Jérémie (1). Mais déjà l'inventeur était dépassé, et la gloire de sa découverte allait à de plus grands musiciens que lui.

Il y avait alors auprès de Giovanni Bardi, deux artistes, dont l'un, Jacopo Péri, était déjà célèbre à Florence, — dont l'autre, Giulio Caccini, tout jeune encore, et peu connu, devait atteindre en peu d'années à une renommée universelle. Tous deux étaient chanteurs. C'est à eux que le comte de Vernio s'ouvrit de ses idées sur la tragédie antique, et de ses projets pour le drame mu- sical contemporain (2). Il lui fallait créer deux choses : l'instru- ment, — le style récitatif ; — et le genre, — le drame récitatif. — Pour les premiers essais, il s'adressa à Gaccini, plus jeune, plus docile (3); et le moment venu, il eut recours au grand nom et au talent de Péri pour faire réussir l'œuvre (4).

��Giulio Gaccini dit Jules Romain, était élève de Sçipione del Palla, célèbre chanteur. Les historiens ont en général laissé de lui l'impression d'un caractère insinuant et orgueilleux, habile à détourner à son profit les découvertes des autres, et à s'enrichir de leurs mérites, non moins que des siens, qui étaient grands, — Je crains qu'ils ne se soient laissé abuser par l'orgueil bien autrement superbe de ses rivaux (Péri) , et l'esprit national des historiens florentins , toujours prêts à diminuer les artistes des autres villes, au profit des leurs. Tout autre nous apparaît Gac- cini au travers de ses œuvres et de ses écrits. Il a d'abord une politesse de manières, une « gentilezza » de style, qui charme, quand on pense au verbe prophétique et à l'énorme vanité de nos musiciens du dix-neuvième siècle. Gaccini est un homme de bonne compagnie. La tendresse de son âme affectueuse ne se traduit pas seulement dans ses chants, mais dans la reconnaissance qu'il est toujours prêt à témoigner à ses amis et à ses maîtres. C'est un

(1) « Parte délie Lamentazioni, e responsi délia Sottimana santa. »

(2) Il est probable qu'il eut recours à Péri et à Caccini, plutôt qu'à Galilei, parce qu'il était plus libre de les faire travailler à son gré.

(3) a Sotto la intera disciplina di mio padre. » (Lettre de Bardi.)

(4) Voir : Hugo Goldschraith, Die italienische Gefangsmethode des XVII Jahrhunderls. Broslau, 1890. — Gevaert, La musique vocale en Italie, 1882. A. de la Fage, Essais de diphtérograpfùe musicale, 1864.

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