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la vie de Michel-Ange

mestiques. « Ils étaient tous négligents et malpropres », dit Vasari. Il en changeait souvent et s’en plaignait amèrement.[1] Il n’eut pas moins de démêlés avec eux que Beethoven ; et ses Ricordi (Notes), comme les Cahiers de conversation de Beethoven, gardent encore la trace de ces querelles de ménage : — « Oh ! qu’elle n’ait jamais été ici ! » écrit-il, en 1560, après avoir renvoyé une servante, Girolama.

Sa chambre était sombre comme un tombeau.[2] « Les araignées y créaient mille travaux et dévidaient leurs petits fuseaux. »[3] — Au milieu de l’escalier, il avait peint la Mort, portant sur l’épaule un cercueil.[4]

Il vivait comme un pauvre, mangeait à peine,[5] et,

  1. « Je voudrais, écrit-il à Lionardo, une servante qui fût bonne et propre ; mais c’est bien difficile ; elles sont toutes sales et débauchées. (Son tutte puttane e porche)… Je donne dix jules par mois. Je vis pauvrement ; mais je paie bien. » (Lettres, 16 août 1550)
  2. La mia scura tomba… (Poésies, LXXXI)
  3. Dov’ è Aragn’ e mill’ opre et lavoranti
    Et fan di lor filando fusaiuolo. (Ibid.)

  4. Sur le cercueil était cette épitaphe :

    Io dico a coi, ch’ al mondo avete dato
    L’anima e ’l corpo e lo spirto ’nsieme :
    In questa cassa oscura è ’l vostro lato.

    (Ibid., CXXXVII)

    « Je vous le dis, à vous qui avez donné au monde l’âme, le corps et l’esprit à la fois : dans cette caisse obscure vous tenez tout entiers. »

  5. « Il était très sobre. Quand il était jeune, il se contentait d’un peu de pain et de vin, pour pouvoir se consacrer tout entier au travail. Dans sa vieillesse, depuis le temps où il fit le Jugement Dernier, il s’habitua à boire un peu, mais seulement le soir, quand le travail du jour était terminé, et de la façon la plus modérée. Bien qu’il fût riche, il vivait comme un pauvre. Jamais, ou rarement, un ami mangeait avec lui : il ne voulait non plus accepter des présents de personne ; car il se regardait ainsi pour toujours comme l’obligé du donateur. Sa sobriété fut cause qu’il fut toujours très éveillé, et qu’il avait besoin de très peu de sommeil. » (Vasari)
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