« ne pouvant dormir, il se relevait, la nuit, pour travailler avec le ciseau. Il s’était fabriqué un casque de carton, et il portait au milieu, sur sa tête, une chandelle allumée, qui, de cette façon, sans lui gêner les mains, éclairait son travail ».[1]
À mesure qu’il devenait plus vieux, il s’enveloppait de plus de solitude ; ce lui était un besoin, quand tout dormait dans Rome, de se réfugier dans le travail nocturne. Le silence lui était un bienfait, et la nuit une amie :
Ô nuit, ô doux temps, bien que sombre, où tout effort finit par atteindre la paix, qui t’exalte voit bien et comprend bien ; et qui t’honore a son plein jugement. Tu tranches de tes ciseaux toute pensée fatiguée, que l’ombre humide et le repos pénètrent ; et d’ici-bas souvent tu me portes en rêve là haut, où j’espère aller. Ô ombre de la mort, par qui s’arrête toute misère ennemie de l’âme et du cœur, suprême et bon remède des affligés, tu rends la santé à notre chair malade, lu sèches nos pleurs, tu nous décharges de nos fatigues, et tu laves les bons de la haine et du dégoût.[2]
Vasari fit visite, une nuit, au vieil homme, seul, dans
- ↑ Vasari, remarquant qu’il n’employait pas de la cire, mais des chandelles en suif de chèvre, lui en envoya quarante livres. Le serviteur de Michel-Ange les lui apporta ; mais Michel-Ange refusa de les accepter. Le serviteur dit : « Maître, j’ai les bras rompus de les avoir portées, et je n’ai pas envie de les reporter. Si vous n’en voulez pas, je vais les planter dans le bourbier de boue sèche, qui est devant la maison, et je les allumerai toutes. » Alors Michel-Ange répliqua : « Mets-les donc là ; car je ne veux pas que tu fasses des folies devant ma porte. » (Vasari)
- ↑ Voir aux Annexes, XXIII. (Poésies, LXXVIII)
Frey date cette poésie d’environ 1546, au temps du Jugement Dernier et de la Chapelle Pauline. — Grimm la reporte un peu plus tard, vers 1554.
Un autre sonnet sur la nuit, — (Poésies, LXXVII) — est de la plus grande beauté poétique, mais plus littéraire, et un peu précieux.