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MICHEL-ANGE

d’une fois près de la mort. Il souffrait des yeux, des dents, de la tête, du cœur.[1] Il était rongé de névralgies, surtout quand il dormait ; le sommeil lui était une souffrance. Il fut vieux de bonne heure. À quarante-deux ans, il avait le sentiment de sa décrépitude.[2] À quarante-huit ans, il écrit que s’il travaille un jour, il doit se reposer quatre.[3] Il refusait obstinément de se laisser soigner par aucun médecin.

Plus encore que son corps, son esprit subit les conséquences de cette vie de travail forcené. Le pessimisme le minait. C’était chez lui un mal héréditaire. Jeune, il s’épuisait à rassurer son père, qui semble avoir eu, par moments, des accès de délire de la persécution.[4] Michel-Ange était plus atteint lui-même que celui qu’il soignait. Cette activité sans relâche, cette fatigue écrasante, dont il n’arrivait jamais à se reposer, le livraient sans défense à toutes les aberrations de son esprit qui tremblait de soupçons. Il se défiait de ses ennemis. Il se défiait de ses amis.[5] Il se défiait de ses parents, de

  1. « Febbre, fianchi dolor’, morbi ochi e denti. » Poésies, LXXXII.
  2. Juillet 1517. Lettre écrite de Carrare à Domenico Buoninsegni.
  3. Juillet 1523. Lettre à Bart. Angiolini.
  4. À tout instant, dans ses lettres à son père : « Ne vous tourmentez pas… » (Printemps 1509) — « Cela me fait de la peine que vous viviez dans une telle angoisse ; je vous en conjure, ne pensez plus à cela. » (25 janvier 1509) — « Ne vous effrayez pas, ne vous faites pas une once de tristesse. » (15 septembre 1509)

    Le vieux Buonarroti paraît avoir eu, comme son fils, des crises de terreur panique. En 1521, (comme on le verra plus loin), il s’enfuit brusquement de sa propre maison, en criant que son fils l’avait chassé.

  5. « Dans la douceur d’une amitié parfaite, souvent se cache une atteinte à l’honneur et à la vie… » (Sonnet LXXIV, à son ami Luigi del Riccio, qui venait de le sauver d’une grave maladie, 1546)

    Voir la belle lettre de justification, que lui écrivit, le 15 novembre 1561, son fidèle ami, Tommaso de’ Cavalleri, qu’il soup-

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