ses frères, de son fils adoptif ; il les soupçonnait d’attendre impatiemment sa mort.
Tout l’inquiétait ;[1] les siens eux-mêmes se moquaient de cette inquiétude éternelle.[2] Il vivait, comme il dit lui-même, « dans un état de mélancolie, ou plutôt de folie ».[3] À force de souffrir, il avait fini par prendre une sorte de goût de la souffrance, il y trouvait une joie amère :
Plus me plaît ce qui plus me nuit.
E piu mi giova dove piu mi nuoce.[4]
Tout lui était devenu un sujet de souffrance, — jusqu’à l’amour,[5] — jusqu’au bien.[6]
Ma joie, c’est la mélancolie.
La mia allegrez’ è la maninconia.[7]
- ↑ « Je vis dans une défiance continuelle… N’ayez confiance en personne, dormez les yeux ouverts… »
- ↑ Lettres de septembre et octobre 1515 à son frère Buonarroto : « … Ne te moque pas de ce que je t’écris… On ne doit se moquer de personne ; et, dans ces temps, vivre dans la crainte et l’inquiétude pour son âme et pour son corps ne peut nuire… En tout temps, il est bon de s’inquiéter… »
- ↑ Souvent, dans ses lettres, il s’appelle « mélancolique et fou », — « vieux et fou », — « fou et méchant ». — Ailleurs, il se défend de cette folie, qu’on lui reproche, en alléguant « qu’elle n’a jamais fait de tort qu’à lui-même ».
- ↑ Poésies, XLII.
- ↑
Che degli amanti è men felice stato
Quello ove ’l gran désir gran copia affrena
C’una miseria, di speranza piena.« Moindre bonheur est, pour qui aime, la plénitude de la jouissance qui éteint le désir, que la misère, grosse d’espérance. » (Sonnet CIX, 48)
- ↑ « Toute chose m’attriste, écrivait-il… Le bien même, à cause de sa trop courte durée, accable et opprime mon âme non moins que le mal même. »
- ↑ Poésies, LXXXI.
çonnait injustement : — « Je suis plus que certain de ne vous avoir jamais offensé ; mais vous croyez trop facilement ceux en qui vous devriez le moins croire… »