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LA FORCE

Il semble que ce fut Bramante, qui, voyant Michel-Ange revenir en faveur, l’accula à cette tâche, où il pensait que sa gloire sombrerait.[1] L’épreuve était d’autant plus dangereuse pour Michel-Ange, qu’en cette même année 1508, son rival Raphaël commençait la peinture des Stanze du Vatican, avec un bonheur incomparable.[2] Il fit tout pour rejeter le redoutable honneur ; il alla jusqu’à proposer Raphaël à sa place : il disait que ce n’était pas son art et qu’il n’y réussirait point. Mais le pape s’obstina, et il fallut céder.

Bramante éleva à Michel-Ange un échafaudage dans la chapelle Sixtine, et l’on fit venir de Florence quelques peintres, ayant l’expérience de la fresque, pour lui prêter leur concours. Mais il était dit que Michel-Ange ne pouvait avoir d’aide d’aucune sorte. Il commença par déclarer inutilisable l’échafaudage de Bramante et par en élever un autre. Quant aux peintres florentins, il les prit en grippe, et, sans autre explication, il les mit à la porte. « Il fit abattre, un matin, tout ce qu’ils avaient peint ; il s’enferma dans la chapelle, il ne voulut plus leur ouvrir, et il ne se laissa plus voir même dans sa maison. Quand la plaisanterie leur eut semblé avoir assez duré, ils se décidèrent à retourner à Florence, profondément humiliés. »[3]

  1. C’est du moins ce que prétend Condivi. Il est à noter toutefois que, déjà avant la fuite de Michel-Ange à Bologne, il avait été question de lui faire peindre la Sixtine, et qu’alors ce projet souriait peu à Bramante, qui cherchait à éloigner de Rome son rival. (Lettre de Pietro Rosselli à Michel-Ange, en mai 1506)
  2. Entre avril et septembre 1508, Raphaël peignit la chambre dite de la Signature. (École d’Athènes et Dispute du Saint-Sacrement)
  3. Vasari.
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