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la vie de Michel-Ange

Michel-Ange resta seul, avec quelques manœuvres ;[1] et, loin que la difficulté plus grande retînt sa hardiesse, il agrandit son plan et décida de peindre, non seulement la voûte, comme il en était d’abord question, mais les murailles.

Le travail gigantesque commença, le 10 mai 1508. Sombres années, — les plus sombres et les plus sublimes de cette vie tout entière ! C’est le Michel-Ange légendaire, le héros de la Sixtine, celui dont la grandiose image est et doit rester gravée dans la mémoire de l’humanité.

Il souffrit terriblement. Ses lettres d’alors témoignent d’un découragement passionné, qui ne pouvait se satisfaire de ses divines pensées :

« Je suis dans un grand abattement d’esprit : il y a maintenant un an que je n’ai pas reçu un gros du pape ; je ne lui demande rien, parce que mon œuvre n’avance pas assez, pour me paraître mériter une rémunération. Cela tient à la difficulté du travail, et à ce que ce n’est point là ma profession. Ainsi, Je perds mon temps sans résultat. Dieu m’assiste ! »[2]

À peine avait-il fini de peindre le Déluge, que l’œuvre commençait à moisir : on ne pouvait plus distinguer les figures. Il refusa de continuer. Mais le pape n’admit aucune excuse. Il dut se remettre au travail.

À ses fatigues et à ses inquiétudes, les siens ajoutaient encore par leurs odieuses importunités. Toute sa famille

  1. Dans les lettres de 1510 à son père, Michel-Ange se lamente au sujet de l’un de ces aides, qui n’est bon à rien, « qu’à se faire servir… Cette occupation me manquait sans doute ! Je n’en avais pas assez déjà !… Il me rend malheureux comme une bête. »
  2. Lettre à son père, 27 janvier 1509.
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