était ardemment républicaine. On le voit aux paroles de flamme qui lui échappèrent parfois, dans des moments de confiance ou de fièvre, — en particulier dans les conversations qu’il eut plus tard[1] avec ses amis Luigi del Riccio, Antonio Petreo, et Donato Giannotti,[2] et que ce dernier reproduisit dans ses Dialogues sur la Divine Comédie de Dante.[3] Les amis s’étonnaient que Dante eût mis Brutus et Gassius au dernier degré de l’Enfer, et César au-dessus. Michel-Ange, interrogé, fait l’apologie du tyrannicide :
Si vous aviez lu attentivement les premiers chants, dit-il, vous auriez vu que Dante n’a que trop bien connu la nature des tyrans, et qu’il a su de quels châtiments ils méritaient d’être frappés par Dieu et par les hommes. Il les place parmi les « violents contre le prochain », qu’il fait punir dans le septième Cercle, en les plongeant dans le sang bouillonnant… Puisque Dante a reconnu cela, il est impossible d’admettre qu’il n’ait pas reconnu que César a été le tyran de sa patrie et que Brutus et Cassius l’ont massacré avec justice ; car celui qui tue un tyran ne tue pas un homme, mais une bête à figure humaine. Tous les tyrans sont dénués de l’amour que chacun doit ressentir naturellement pour son prochain, ils sont privés des inclinations humaines : ce ne sont donc plus des hommes, mais des bêtes. Qu’ils n’aient aucun amour pour le prochain, c’est
- ↑ En 1545.
- ↑ C’est pour Donato Giannotti que Michel-Ange fit le buste de Brutus. Quelques années avant le Dialogue, en 1536, Alexandre de Médicis venait d’être assassiné par Lorenzino, qui fut célébré, comme un autre Brutus.
- ↑ De’ giorni che Dante consumò nel cercare l’Inferno e ’l Purgatorio. — La question que discutent les amis est celle de savoir combien de jours Dante a passés en Enfer : est-ce du vendredi soir au samedi soir, ou du jeudi soir au dimanche matin ? On a recours à Michel-Ange, qui connaissait l’œuvre de Dante mieux que personne.