Page:Rollinat - Paysages et paysans.djvu/61

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        Sûr que non ! c’est pas comme aut’fois,
        Du temps q’yavait tant d’truit’ et d’perches,
        « Au bateau ! » m’criaient tout’ les voix…
        Les pêcheurs étaient à ma r’cherche ;
        À tous les instants mes gros doigts
        Se r’courbaient, noués sur ma perche.

        Malheur ! quel bon chaland c’était !
        Vous parlez que c’lui-là flottait
        Sans jamais broncher sous la charge !
        Toujours ferme à tous les assauts
        Des plus grands vents, des plus grand’s eaux,
        I’ filait en long comme en large.

        Et la nuit, sous la lun’ qui glisse,
        Quand, prom’nant mes yeux d’loup-cervier,
        J’pêchais tout seul à l’épervier,
        Oh ! qu’il était donc bon complice !
        Comme i’ manœuvrait son coul’ment,
        En douceur d’huil’, silencieus’ment,
        Aussi mort que l’onde était lisse !

        I’ savait mes façons, c’que c’est !
        On aurait dit qu’i’ m’connaissait.
        Qu’il avait une âm’ dans sa masse.