musicien Ithier avec l’intention avouée de se servir désormais de ce portrait comme modèle d'une attitude reposée.
Ces deux sortes de portraits sont distinguées dans son Livre de raison par les mots habillement original et habillement répété.
Ce n'est pas tout ; même pour ses tableaux les plus importants, Rigaud a emprunté non pas une, mais plusieurs mains étrangères. Prieur ébauche du portrait en pied de Louis XIV la tête, les jambes, les souliers, la draperie ; il emploie deux jours à l'ébauche du portrait du maréchal de Villeroy et quatre à en terminer la cuirasse ; le casque, l’écharpe et les mains.
Il habille et termine le portrait original de Mme Hebert, en modifie les draperies, les mains et le rideau du fond. Bailleul ébauche le vêtement du portrait en pied de Bossuet et emploie cinq jours à reproduire le bureau encombré de livres et de manuscrits sur lequel s'appuie son illustre modèle.
Chaque détail est payé à part. Prieur en 1701 touche une livre pour avoir peint la cravate du roi ; La Penaye fait briller en 1715 l'insigne de la Toison d'or sur la cuirasse du maréchal de Villars ; Bailleul en 1712 habille le chargé d'affaires de Gènes, sauf la cravate qui est réservée à un spécialiste. En effet, un peintre aux gages de Rigaud n'avait pas de rival pour percer de mille trous une dentelle légère ; un autre faisait étinceler comme pas un les boucles de soulier. Dans cet atelier modèle chacun était utilisé selon son talent.
Rigaud était donc, en même temps qu'un grand portraitiste, un entrepreneur de portraits ; il tenait avant toute chose à satisfaire son opulente clientèle, c'est-à-dire à ne pas la faire trop attendre, c'est pourquoi il s'entourait de collaborateurs qui s'étaient imprégnés de sa maniere et dont il retouchait au besoin le travail.
Les conséquences de ce système se devinent sans peine. Les portraits ordinaires de Rigaud ont une superbe allure, mais ils manquent de personnalité. Les têtes sont posées sur des corps pour lesquels elles ne sont souvent pas faites, les mains sont