toujours fines et aristocratiques, les attitudes se répètent à satiété. Presque tous les prélats, y compris Bossuet, posent leur main sur un livre dressé ; le bras des hommes de guerre s'appuie, par un geste identique, sur un baton de commandement ; les mains des magistrats manient le même mortier entouré de galons d'or et montrent d'un doigt indicateur hors de cadre quelque chose qu'on ne voit pas. Les accessoires qui ornent le fond des tableaux sont presque identiques, la même cordelière rattachant la même lourde draperie à la même colonne.
Ces poses et cette architecture banales sont faites de chic ; la couleur est éclatante, l'allure superbe, mais il y manque quelque chose que des peintres, même inférieurs à Rigaud, avaient su donner, la sensation de la personnalité. L'âme du modèle ne transparait pas dans sa pose familière et dans son geste habituel.
Rigaud faisait mieux quand il s'inspirait de la réalité et certains portraits de lui particulièrement soignés et pour lesquels il s'est passé de collaborateurs sont presque des chefs-d'œuvre, témoins ceux de sa mère, de Rancé, de Keller, d'Orry, du jeune duc de Chevreuse, de la duchesse de Nemours et quelques autres.
Le Livre de raison nous révèle un autre détail. A partir de 1700 Rigaud avait commencé à faire dessiner par ses élèves dans un Livre de vérité les plus beaux portraits sortis de sa main, pour en conserver le souvenir. En 1700 Vienot dessine Mr et Mme de Gouy, futurs beaux-parents du peintre, Mrs Colbert de Croissy, de Breteuil, de Torcy, Prior, ambassadeur d'Angleterre, Bignon, bibliothecaire du roi, et Rigaud lui même. En 1707 Monmorency dessine le duc de Bourgogne, la duchesse de Mantoue, le maréchal de Villars, le comte d'Evreux, I'évèque d'Angers, Mme Neyret de Laravoye, etc. En 1708, il dessine Mme Pecoil, le duc de Mantoue, Palavicini, chargé d'affaires de la republique de Gènes, le peintre Mignard, Mr d'Armenonville, etc.