Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 3.djvu/282

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Pour nous donner tout l’ennuy.

O la belle emprise vaine !
Puis que vous souffrez la peine
Aussi bien que nous, d’avoir
Voulu seuls nous décevoir.
» La chose est bien raisonnable,
» Que le trompeur misérable
» Reçoive le mal sur luy
» Qu’il machinoit contre autruy,
» Et que pour sa fraude il meure.

Ainsi mes yeux à toute heure.
Et mon cœur contre mes yeux
Querelloient séditieux :
Quand vous, ma douce Maistresse,
Ayant soin de ma destresse
Et de mon tourment nouveau.
Me fistes présent d’une eau
Qui la lumière perdue
A mes deux yeux a rendue.

Reste plus à secourir
Le cœur qui s’en-va mourir.
S’il ne vous plaist qu’on luy face
Ainsi qu’aux yeux quelque grâce.
Or pour esteindre le chaut
Qui le consomme, il ne faut
Sinon qu’une fois je touche
De la mienne vostre bouche,
A fin que le doux baiser
Aille du tout appaiser
Par le vent de son haleine
La flame trop inhumaine.
Que de ses ailes Amour
M’esvente tout à l’entour.
Depuis l’heure que la flèche
De voz yeux luy fist la brèche
Si avant, qu’il ne pourroit
En guarir s’il ne mouroit.
Ou si vostre douce haleine
Ne le tiroit hors de peine.