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DE P. DE RONSARD.


Quoi qu’il en soit, cette résurrection fut un grand événement littéraire, et, grâce au signal donné par un poëte, devenu depuis un de nos plus éminents critiques, on se jeta sur les œuvres de Ronsard, on les relut avidement, et l’on put se convaincre que l’enthousiasme des princes, des savants et des poëtes était bien légitimé par une connaissance approfondie des modèles anciens, par l’intelligence la plus nette et le sentiment le plus exquis de leurs beautés, par une inspiration réelle et la vraie chaleur du feu sacré, par les dispositions les plus heureuses d’une excellente nature, qui, capable de toutes les impressions, passait avec une prodigieuse facilité des sujets les plus gracieux aux matières les plus graves, aux passions les plus élevées. On y vit de plus que Ronsard était un des créateurs de la langue, et, par la prodigieuse facilité de la versification, la variété et l’harmonie de rhythmes, qu’il méritait encore, malgré Malherbe et Boileau, le titre de père de la poésie française.

Il ne faut pas cependant exagérer l’admiration. Aux époques de rénovation littéraire, un auteur ne saurait être parfait de tout point, et de Ronsard bien des poésies sont mortes qui méritaient de périr. Ce serait nuire sans doute à sa gloire que de tout présenter ensemble à la curiosité du lecteur. Ses œuvres complètes méritent l’attention de l’érudit, mais il ne faut le faire connaître au public que par les morceaux dont la lecture peut offrir un véritable intérêt poétique.

La vie de Ronsard est nécessaire à l’intelligence de son œuvre, à laquelle du reste elle est intimement liée. Consacré dès sa première jeunesse à la poésie, épris d’amour pour les Muses, il ne les abandonna qu’à la mort, et nous