Page:Ronsard - Les Amours, 1553.djvu/69

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L'ame du cors, pour errer lentement
Devant son chant marié gentement
Avec mes vers animés de son pouce.

Telle douceur de sa vois coule à bas,
Que sans l'ouir vraiment on ne sait pas
Comme en ses rets Amour nous encordelle.

Sans l'ouir, di-je, Amour mesme enchanter,
Doucement rire, & doucement chanter,
Et moi mourir doucement aupres d'elle.

MURET.

Dous fut le trait.) Il amplifie la douceur de son amour, & de sa dame. Ici peut on noter l’inconstance perpétuelle compaigne des amoureus, qui fait, qu’en un mesme moment, ils jugent l’amour plus douce que miel, & plus amere qu’aluine. Sa vois qui me pousse L'ame du cors.) Qui fait que mon ame me laisse pour suivre son chant. Marié gentement Avec mes vers animés de son pouce.) Il veut dire, que Cassandre jouant du Luth, chantoit des vers, qu’il avoit faits, & le faisoit d’une si bonne grace, mignardement pinsetant les cordes, qu’elle sembloit leur donner l’ame. Telle douceur.) C’est une imitation de Pétrarque,
Non sa com' Amor sana, & com' ancide,
Chi non sa, come dolce ella sospira,
E come dolce parla, e dolce ride.

Pleut il a Dieu, n’avoir jamais tâté
Si follement le tetin de m'amie !
Sans lui vraiment l’autre plus grande envie,
Helas ! ne m’eut, ne m’eut jamais tanté,

Comme un poisson, pour s’estre trop hâté,