Page:Ronsard - Les Amours, 1553.djvu/87

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Il me donna la vie, & le pouvoir,
Et de son branle il fit d’ordre mouvoir
Les pas suivis du globe de mon ame.


MURET.

Avant qu'Amour.) Les Poëtes, comme Orphée, Hesiode, Ovide, & autres, disent, que devant que le ciel, le feu, l’aer, l’eau’, & la terre fussent faits, les semences & les formes de toutes ces choses la étoient meslées, & confondues, en une lourde, oscure, pesante, & immobile masse, qu'ils nomment Chaos. De cette masse, ainsi que dit Orphée, Amour sortit le premier, lequel par apres separa les parties du Chaos, assignant a chacune d'icelles son lieu propre, & donnant a chacune chose sa forme. Ainsi dit notre auteur, que son esprit étoit morne & assoupi dans son cors, sans forme, & sans mouvement aucun, auparavant qu’il fut amoureus. Et que ce fut Amour, qui premier desmesla cette confusion, & qui lui donna vie, & mouvement. Ce qu’il dit ici de l'Amour, quant a la separation des parties du Chaos, il le dit en un autre lieu, de la Pais, parce qu’Amour, Pais, & Amitié, se prenent quelque fois l'un pour l’autre. D’ou est que Cyre Théodore en un dialogue Grec nommé l'Amitié bannie, dit de l’Amitié , cela mesme que nous disons ici de l’Amour. Du chaos.) Chaos en Grec sinifie confusion. Ocieus. Il prend ocieus pour ce que les Latins disent, Iners. Ovide,
Nec quicquam, nisi pondus iners, congestaque eodem
Non bene iunctarum discordia semina rerum.
Qui couvoit la lumiere,) Qui tenoit la lumière enclose. Ainsi mon Tout.) C'est a dire toutes les parties de mon esprit étoient meslées & confondues. Dans le giron de ma lourde matiere,) Dans mon cors. Il arrondit. Il parle des affections tout ainsi que si elles étoient corporelles. Et de fait, quelques anciens ont pensé nos ames