Page:Rosenthal - La Peinture romantique, 1900.djvu/15

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aucun de ses disciples. On acceptait la beauté grecque comme un dogme auquel il était interdit de toucher sans sacrilège. C’est dans le sens le plus étroit, le plus littéral, le plus stérile qu’on entendait l’imitation de l’antiquité (1). Les trésors de la Grèce et de Rome étaient considérés comme des arsenaux, comme des répertoires où chacun devait s’armer et que l’on pouvait piller à son aise. Un tableau était devenu un centon de- réminiscences arbitrairement accouplées (2). Cette conception étroite se compliquait d’une erreur essentielle. L’antiquité a surtout survécu par sa sculpture. A supposer que l’on adoptât, sans modification, l’idéal antique, il fallait, au moins, distinguer ce qui appartient à la peinture de ce (pii est le propre de la statuaire et ne pas imposer à un art des règles cpii n’ont pas été créées pour lui. Celte distinction nécessaire, les Davidiens ne l’avaient pas faite. Non seulement l’art grec pesait sur le nôtre, mais la sculpture imposait ses lois à nos peintres. Le premier résultat, de ces principes fut de restreindre singulièrement le champ de la peinture (3). L’inspiration chrétienne, interdite à la poésie par les arrêts de Boileau, n’avait pas été, jusqu’à David, bannie des arts. Philippe de Champagne, Poussin ou Lesueur avaient été de grands peintres chrétiens. Les maîtres du xvm e siècle, les plus pompeux comme les plus frivoles, avaient tenté d’illustrer l’Evangile, mais les marbres grecs ne disaient pas qu’on put traduire, par des formes, la foi, l’amour divin ou la charité : David avait écarté l’inspiration chrétienne. Au moins, les passions humaines, les combats, les actions dramatiques pouvaient-ils se tracer sur la toile. Les Grecs s’interposèrent de nouveau. Sans fuir l’expression des mouvements violents du corps et de Pâme, dont ils eussent été, le Laocoon en faisait foi, capables de rendre toute l’énergie, ils avaient préféré se bornera l’étude de la beauté en repos. Cette prédilection était devenue pour David une’Tègle absolue.

Le peintre ne se proposait plus d’autre objet que de créer des formes plastiques harmonieuses, et restreignait son ambition à représenter dignement le corps humain. Ce corps, il le peignait nu aussi souvent qu’il le croyait possible (4). (Juand il était obligé de l’habiller, il préférait au vêtement moderne, aux lignes (1) Schclling, Sur les arts du Dessin. 1807 (trad. Bénard, p. 276, 237, 203.) — « Au lieu de pénétrer l’esprit de l’antique et de joindre cette étude à celle de la nature, on voit que David a été l’écho d’une époque où on avait la fantaisie de l’antique. » Eug. Delacroix, Journal, 13 janvier 1857. (2) « L’Ecole n’estime les talents qu’en raison de leur ressemblance avec les statues grecques, » écrivait Taillasson dans ses Observations (p. 181) en 1807. Celle remarque n’avait pas cessé d’étre vraie. (3) Pourtant Cochin dans son Voyage en Italie, 1758, avait par avance dénoncé ces dangers : « Il suit, dit-il, de cette façon d’étudier, qu’amène une école presque entièrement dirigée par des sculpteurs, qu’on dessine trop longtemps avant de se hasardera peindre ; qu’on ne s’attache qu’aux contours et à placer les dedans avec exactitude, sans considérer la nature du côté des effets de la lumière et des couleurs qui est la partie la plus essentielle de la peinture » (Tome II, p. 88). (1) Quatremère de Quincy, De la nature de V Imitation, III, xv(. De la nudité poétiquement considérée . p. 400.