Page:Rosenthal - La Peinture romantique, 1900.djvu/35

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sait chercher par Népomucène Lemercier un poulet et un couteau et, ayant recouvert le cadavre d’un drap, il aspergeait ce drap du sang du poulet (I). Aux concours officiels, les concurrents se présentèrent en foule. Bientôt, avec Bonaparte, l’histoire élargit son cadre et de nouveaux sujets s’offrirent aux peintres. Napoléon ne laissait pas aux artistes plus de liberté que ne l’avait fait la Révolution. Impérieux en art, comme en tout, il proposa des sujetsde tableaux, il corrigea les esquisses (2), et le goût de précision, lé sens de la réalité directe, qu’il portait à un si haut degré, il essaya de les imposer à la peinture. La Révolution avait rappelé les peintres au souci de la réalité ; avec le Consulat et l’Empire, cette réalité se fait étincelante ; elle varié ses spectacles à l’infini. Chambellans et maréchaux se couvrent de costumes ou d’uniformes superbes. Les étoffes chaudes ou brillantes, la soie et le velours, les couleurs éclatantes, les broderies d’or, les galons dessinant sur les poitrines et les manches mille arabesques, les plumets et les aigrettes, les fourrures font, de l’armée ou de l’état-major, des assemblées plus riches (pie n’en vit jamais l’ancien régime. Le maître lui-même, quand il a revêtu ses ornements impériaux, est paré comme un prince byzantin et le même goût riche et lourd règne dans toutes ces tenues d’apparat qu’a dessinées Isabey.

Habitués à l’austérité de la draperie antique, dont le modelé seul est intéressant mais dont la couleur mate s’efface volontiers, les yeux des peintres s’étonnent devant ces étoffes cassantes qui s’appliquent sur le corps et se chiffonnent sans logique et dont les reflets vibrent en fanfares étincelantes. Fout à l’heure, l’intérêt plastique disparaissait derrière le drame ; maintenant, il s’éclipse devant le pittoresque.

Il faut peindre les Pyramides et Wagram, l’Egypte, l’Italie ou l’Autriche, rappeler les sables du désert ou les neiges de la Baltique, et, sous ces vieux divers, modifier la tonalité des lumières. Ce ne sont pas des Grecs, aux corps harmonieux, ce sont des Arabes, des Bédouins, des Hongrois ou des Tartares qui succombent devant les armes françaises. Condamné au rôle d’historiographe, le peintre se voit obligé de fixer ces traits grossiers, ces corps aux proportions étranges ; il acquiert une notion nouvelle, celle de l’ethnographie. Le spectateur saura, au premier coup d’œil, ia nationalité de ce soldat qui se précipite aux genoux de l’empereur ou de ce blessé qui repousse les soins du chirurgien français (3). Il fautque la couleur et les traits distinguent (’Ethiopien, le 1 urc et l’Arabe.

Le cheval, qui, dans les sujets antiques, tenait peu de place ou qui, copié sur le cheval de MaroAurèle et les chevaux de Venise, avait, lui aussi, subi un (1) Leçouvé, Soixante ans île souvenirs, I, p. 83. (2) L’esquissé des Air/les dont il supprime la victoir^r—Vnir anecdole dans Delestre, Gros, p. 312. (3) Détails de la Bataille d’Eylau.

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