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et d’acuité. Ses ébauches, ses livres d'esquisses (Ü, ses études peintes attestent sa Curiosité; ses fameuses études de ciels, qu’on lui a tant reproehées, témoi- gnent (le l’universalité de son investigation.

La vérité, dont Constable était. ainsi avide, n’était pas celle que recherchait un Bertin lorsqu’il s’acharnait a décomposer le feuillage des chénes et a dessiner des arbres dont chaque rameau gardait une structure distincte Ce n’était pas a une enquéte scientifique qu’il se livrait. Les idées de composition acadé- mique lui étaient aussi étrangères, et il ne rassemblait pas des documents pour les grouper ensuite en masses architecturales ingénieusement caden— cées.

Constable cherchait à fixer les mille impressions fugitives que donne, a un d‘il naïf, la nature. ll peignait des émotions. ll dédaignait l’exaclitude littérale et son oeuvre. ne se souriait pas d’étre une réduction mathématique du paysage qui l’avait suscitée. Mais, par une transposition picturale, il visait à une vrai— semblance supérieure et laissait. sur la toile. quelque chose des sentiments dont il avaitété, en peignant, animé, Ainsi compris, le paysage devenait,avant tout, une œuvre de coloriste et, comme le portrait, il demandait aux harmonies lumineuses et colorées d’attirer et de retenir le spectateur. L'effet était sa loi et il s’estimait a l’abri de tout reproche s’il avait su plaire.

Une peinture tonte émotive, dont les régles avaient été posées par la sensi— bilité et non par la raison ; le souci de l’agrément et des apparences, le dessin et. la correction subordonnées a la couleur, une facture brillante et hardie plutôt que solide, voila donc ce. que l’Angleterre s’apprétait à révéler a la France Davi— dienne, le jour où cesserait leur mutuel isolement.

En attendant cette heure, personne, chez nous, ne se doutait de la puissante école qui brillait par delà le détroit. Seule une émigrée, Mm” Vigée-Lebrun, visi— tant Londres en I802, put voir des tableaux de lieynolds et parler à des peintres anglais. Elle remarqua que les œuvres de l’teynolds étaient d’une excellente couleur qui 'appelait. celle du rl‘itien, mais leur reprocha d’élre « en général peu terminées, a l’exception des tôles » et refusa d'admettre que cette négligence pût étre érigée en systeme.

ll ne faut, au reste, pas regretter les contre—temps politiques qui mainlinrent

si longtemps les peintres britanniques loin des yeux français. ll est fort douteux que, connus plus tôt, leur influence eût été plus rapide. lls étaient trop diffé- rents pour être bien Compris Présentés sans préparation, leurs outrances,

('l) Au South Kcnsington, par exemple.

(2) Voir, au musée d'.\vignou, les n0s 20 et 2l, études de chêne peintes en I8l3 et vraiment typiques. (L'une d'elles photographiée dans Benoit, op. cit, p. 3'39) ; au musée de Beaune,_un grand dessin Chasse de Diane.

(3) Dclacroix lui-même fut surpris. Lettre de Londrcs, Gjuin 1825, dans Burty, 0p cil. p. 73.