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TEMPS PRIMITIFS

Ils avaient leurs fermiers et leurs serviteurs. Autour de leur couvent, le pays se peuplait, et les moines apprenaient aux habitants l’agriculture et les métiers.

Le Jura a été en partie défriché ainsi par les moines. Beaucoup de localités de la Suisse doivent leur naissance à d’anciens couvents ; par exemple : Saint-Gall, Disentis, Lucerne, Einsiedeln, Romainmôtier, Saint-Ursanne, Saint-Imier, Moutier, etc. L’abbaye de Saint-Maurice est de fondation très ancienne. Un roi burgonde, Sigismond, lui accorda de grands avantages. Il y créa un chœur de 500 moines ; en se relayant tour à tour, ces religieux exécutaient un chant qui ne devait jamais s’arrêter.

Les mœurs du temps étaient rudes et les lois cruelles. Les Romains avaient des esclaves en grand nombre. Les Germains n’abolirent pas l’esclavage. Mais l’Église chercha à adoucir les lois et à améliorer le sort des esclaves. Le maître n’eut plus le droit de vie et de mort sur son esclave, ni le droit de l’enlever de son village et de le vendre au loin. Avec le temps, l’ancien esclavage disparut.

Sans doute, les paysans étaient encore bien malheureux. On les appelait des serfs[1]. Ils devaient cultiver la terre de leurs maîtres et vivaient misérablement. Chez les Burgondes, le serf qui s’enfuyait de chez son maître était puni de trois cents coups de fouet. Pourtant le servage était moins dur que l’esclavage. Les serfs des couvents étaient mieux traités que les autres.

La population vivait dans une grande ignorance. Les seules écoles étaient celles des monastères. On y apprenait la grammaire, l’arithmétique, la musique ; on y lisait les livres des anciens auteurs grecs et latins. Ainsi les couvents étaient le refuge de ceux qui voulaient s’instruire. Les religieux ont rendu de grands services en empêchant notre peuple de tomber dans une complète barbarie.


8me LECTURE

Charlemagne, empereur d’Occident. — Lorsque Charlemagne monta sur le trône, la Suisse et les pays voisins étaient divisés entre un grand nombre de guerriers, de propriétaires, de nobles, qui n’obéissaient pas toujours au roi. Chaque propriétaire se regardait comme le seul maître sur ses terres. Charlemagne força tous ces petits seigneurs à reconnaître son autorité et les empêcha de se faire la guerre. Ce fut surtout un grand chef militaire. Grâce à ses armées, il fit régner l’ordre dans son royaume. Les comtes commandaient en son nom. Pour les surveiller, il chargeait des hommes de confiance de faire de grandes tournées à travers ses États.

On a compté que Charlemagne n’a pas fait moins de 53 expéditions de guerre. Il arriva ainsi à régner sur une grande partie de l’Europe. Il fit tous ses efforts pour répandre le christianisme et protégea l’Église ; en retour, le pape et les évêques l’appuyèrent. En l’an 800, le pape Léon III le couronna à Rome comme empereur d’Occident et comme le successeur des empereurs romains. Mais Charlemagne n’aimait, pas revêtir le costume impérial. Il préférait garder le costume des Francs, c’est-à-dire le pantalon de toile serré par des bandelettes, la tunique de laine et le large manteau.

Pour aider le commerce, Charlemagne ordonna aux comtes de construire de bonnes routes et de défendre les marchands contre les brigands, qui étaient alors très nombreux. Il protégea aussi l’agriculture. C’est sous son règne que les paysans de nos contrées se mirent à cultiver bien des terres qui étaient restées incultes depuis les invasions des Alamans. Statue de Charlemagne à Zurich.
Fig. 32. — Statue de Charlemagne à Zurich.
(Elle orne une des tours de la cathédrale.)

Charlemagne chercha à répandre l’instruction. Il voulait qu’il y eût une école à côté de chaque cathédrale et de chaque couvent. Il visitait les écoles et s’adressait aux élèves pour les encourager au travail. On raconte qu’un jour il se rendit à l’école de son palais et se fit présenter les devoirs des élèves. Les ayant lus, il vit que les travaux des enfants pauvres étaient très soignés, tandis que ceux des fils de nobles étaient mal faits. Il fit alors placer à sa droite les élèves appliqués et leur dit : « Merci, mes amis. Vous avez suivi mes conseils et vous en serez récompensés. Vous deviendrez évêques et vous serez comblés d’honneurs. » Puis se tournant vers les paresseux, il les regarda d’un

  1. Le mot serf vient du mot latin servus, qui signifie esclave, serviteur.