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LA JEUNE VAMPIRE

Evelyn. Elle n’était pas plus pâle qu’à l’ordinaire, — c’était impossible, — mais en quelques heures elle avait positivement maigri. Ses yeux s’encavaient, pleins d’un feu d’inquiétude, et ses joues semblaient creuses. Un frisson continuel l’agitait, qui, parfois, allait jusqu’au grelottement. À la voir ainsi, James oubliait ses craintes. Il ne pouvait plus croire que ce pauvre être tourmenté fût d’une autre essence que la nôtre. Et, la hantise du surnaturel tendant à s’abolir, il se remettait à songer qu’Evelyn devait être tout simplement une malade. Seulement, le mal dont elle souffrait, ignoré par la science officielle, rapporté d’une manière inexacte par la tradition, était-il guérissable ? On pouvait à la rigueur le classer parmi les névroses, puisque enfin les névroses confèrent certaines facultés qui font défaut aux individus pondérés, et puisque aussi elles impliquent assez souvent des appétits insolites. James s’efforça de poser à la jeune femme des questions aussi méthodiques que possible. Elle répondit docilement, avec consistance et sans contradiction. Même, le point de départ admis, elle ne disait rien d’absurde. Elle se bornait à affirmer de nouveau le fait de son existence antérieure et l’impossibilité d’exprimer la forme de cette existence avec des mots ni de la suggérer à l’aide d’images qui dépendaient de son corps actuel.

Comme elle était d’heure en heure plus faible et plus fiévreuse, James résolut de prendre l’avis d’un médecin neurologiste. Justement, il connaissait un peu Percy Coleman, le Charcot écossais, qui l’écouta avec d’autant plus d’intérêt qu’il le supposa atteint de folie dès qu’il eut décrit la première et surtout lorsqu’il relata la deuxième scène nocturne.

Néanmoins, Percy Coleman consentit à examiner Evelyn. La pâleur spectrale de la jeune femme l’intéressa tout de suite et le rendit jovial, — car il raffolait des anomalies. Elle se refusa d’abord à lui rien dire. Puis, sur la prière de James, elle parut s’abandonner au destin, elle répéta sans variantes ce qu’elle avait révélé auparavant.