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LA JEUNE VAMPIRE

L’illustre neurologiste écoutait en se frottant les mains avec enthousiasme.

– Pas une lacune… pas une fissure, remarqua-t-il. Tout se tient… tout s’ajuste. Voyons la mécanique.

La mécanique aussi l’enchanta. Les réflexes fonctionnaient à merveille. Tous les organes se manifestèrent impeccables.

— Délicious ! murmura le savant homme en se pourléchant les babines. Et maintenant, passons au nœud du drame…

Il eut beaucoup de peine à obtenir qu’Evelyn embrassât James. Malgré la brièveté du baiser, l’expérience fut décisive et abasourdit le spécialiste.

— Un saut dans l’inconnu ! fit-il à mi-voix… un plongeon dans le gouffre ! Pas même une piqûre, et le sang a passé… ce qui contredit brutalement tout ce que nous savons sur l’osmose tégumentaire… Ce petit phénomène va remuer la mare aux grenouilles…

Sa joie, d’abord refoulée par la surprise, lui dilatait le visage ; il considérait Evelyn avec un mélange d’avidité et de bienveillance.

— Tout mon dévouement est acquis à madame, déclara-t-il. Aucun sacrifice ne me coûtera pour lui rendre la santé… aucun ! S’il lui faut du sang humain, on le lui donnera sans compter !

Et avec un petit rire :

— Nous nous cotiserons s’il le faut ! Nous ne manquons pas ici de jeunes hommes ni même de jeunes femmes dévoués à la science…

Cette visite parut d’abord apaiser Evelyn. Elle consentit à prendre des peptones et un excitant prescrits par le médecin, elle se montra douce, tendre, résignée. James aussi ressentait du soulagement. Comme il ne s’entendait guère en médecine, il avait une grande foi dans la puissance mystérieuse de la thérapeutique. Il abandonna nettement toute idée de surnaturel ; ses craintes mystiques devinrent négligeables. La soirée qu’il passa avec Evelyn fut par moments