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LA JEUNE VAMPIRE

mesure qu’il assistait à la résurrection d’Evelyn, un autre sentiment vint à naître et fit trembler ses membres : l’idée que sa femme puisait la vie aux veines d’un autre homme lui devint rapidement insupportable… Il se pencha ; son regard jaloux rencontra le regard d’Evelyn…

Avec un long soupir, elle rejeta le bras du jeune colosse, tourna sa face vers la muraille, et James l’entendit murmurer, comme la veille :

— Never more ! Never more ! [1]

Attentif aux seuls mouvements de la patiente, Percy Coleman ne se rendit aucun compte de la psychologie du drame. Il crut à un léger délire, ou plus simplement à une phase de réaction.

— Nous recommencerons tout à l’heure ! déclara-t-il…

Un sanglot lui répondit ; les épaules de la jeune femme s’agitaient convulsivement ; puis, elle se retourna d’un geste brusque et tendit les bras vers James.

— Pardonnez-moi ! fit-elle d’une voix mourante. Je ne savais pas ce que je faisais.

Exaspéré, Coleman autorisa d’un geste le jeune homme à se rapprocher. Evelyn l’étreignit désespérément, en balbutiant des paroles tour à tour tendres et énigmatiques. Enfin, elle se laissa retomber en arrière en balbutiant :

— J’aurais pu être si heureuse… Pourquoi est-ce impossible ?… Je n’en puis plus… Il faut retourner là-bas… Oh ! mon chéri, c’est si terrible… si terrible !

Sa parole devenait de plus en plus indistincte. C’est dans un souffle qu’elle balbutia :

— Farewell ! [2]

— La voilà retombée dans l’abîme ! s’exclama rageusement le neurologiste. C’était bien la peine de faire cinq heures de travaux forcés…

James s’était mis à genoux devant le lit, comme un coupable et comme un désespéré.

  1. Jamais plus.
  2. Adieu !