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LA JEUNE VAMPIRE

race pour la pudeur des femmes le remplissait d’un sentiment de gêne insupportable.

— Ma chérie, reprit-il, il y a trois mois que nous avons été unis par le vicaire de Saint-Georges. Sûrement, vous ne l’avez pas oublié…

Elle ne répondit pas. Son front se contractait, son regard était devenu intérieur. Puis elle chuchota :

— C’est étrange !… Je vous reconnais et cependant je suis sûre de ne vous avoir jamais rencontré… et puis… je vous vois… oh ! quel rêve… quel rêve affreux !

Rien ne pouvait plus surprendre Bluewinkle : il était littéralement adapté au fantastique. Et il demanda, comme il aurait demandé la chose la plus simple :

— Êtes-vous la véritable Evelyn Grovedale ?

— Si je suis la vraie Evelyn ? fit-elle avec stupeur… Et qui donc serais-je ?

— Je ne sais pas… je ne peux pas savoir !… Je suppose que vous êtes Evelyn… Mais avez-vous un souvenir quelconque de ce qui vous est arrivé depuis… six mois ?…

D’abord la stupeur de la jeune femme parut s’accroître, puis son front se creusa ; un frémissement de terreur lui secoua tout le corps :

— Six mois ? murmura-t-elle… Y a-t-il six mois ? Je l’ignore… Mais je me souviens maintenant… j’ai été absente… très loin… dans un endroit effrayant…


vi


Ces paroles bouleversèrent James et le remplirent d’une curiosité frénétique. Elles étaient pour ainsi dire « au centre de l’énigme ». Qu’elles exprimassent une réalité ou une illusion, elles se rattachaient, avec une intensité saisissante, au destin d’Evelyn et au destin de James.

— Pardonnez-moi, dit-il d’une voix ensemble rauque et douce, si je vous fatigue ou si je vous tourmente… Mais c’est