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LA JEUNE VAMPIRE

mon devoir de vous interroger. Votre avenir et votre bonheur sont en jeu. Tout ce que vous diriez à d’autres qu’à moi, même à votre mère, paraîtrait si étrange et si incroyable que votre liberté serait immanquablement menacée. Personne ne sera disposé à vous croire. Moi seul suis capable de vous juger avec indulgence, avec confiance, avec le plus ardent désir de connaître la vérité. Aussi, je vous supplie de souffrir ma présence, pendant le temps utile et de me répondre sans réticence. C’est indispensable !…

Elle l’écoutait, grave et mélancolique, rassurée par son accent et par son regard :

— Je veux bien ! dit-elle avec un léger frisson…

Il réfléchit. Son exaltation se disciplinait ; il avait repris cet empire sur soi-même que les Anglo-Saxons ont presque au même degré que les Nippons, et il mêlait à un mysticisme amplement justifié par les circonstances, l’esprit méthodique de sa race.

— Vous dites que vous ne me connaissez pas, reprit-il avec sang-froid. En êtes-vous bien sûre ?

— Tout à fait sûre, répondit-elle.

Elle aussi s’efforçait d’être calme ; ses lèvres tremblantes trahissaient son agitation.

— Par conséquent, vous n’admettez pas que nous nous sommes mariés… vous n’admettez pas que nous avons passé près de trois mois ensemble.

— Je suis absolument certaine du contraire.

Il ouvrit une armoire, en tira une liasse de lettres et une large feuille de papier parchemin.

— Voici des lettres que vous m’avez écrites, dit-il… Voici le certificat de notre mariage.

Elle regarda avidement les lettres, puis le certificat, toute tremblante d’émotion.

— Je reconnais mon écriture ! fit-elle d’une voix étouffée. Je reconnais même le texte des lettres… mais ce n’est pas moi qui les ai écrites !

— Vos parents, vos sœurs, votre frère, vos amis, tout le