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LA JEUNE VAMPIRE

monde enfin vous affirmera que vous êtes ma femme… tout le monde vous dira que nous avons habité cette maison depuis notre mariage ! Essayez de faire appel à vos souvenirs ; tâchez de regarder au plus profond de vous-même…

Elle eut une sorte de plainte :

— Je vous jure que je n’ai jamais été votre femme.

— Et par conséquent vous ne vous souvenez d’aucun des événements de nos fiançailles ni de notre vie commune ?

— Je me souviens parfaitement des événements de vos fiançailles et de votre vie avec une autre, répondit-elle en devenant alternativement très rouge et très pâle.

— Et comment pouvez-vous vous en souvenir ?

— Je l’ignore. C’est en moi comme un rêve… comme quelque chose à quoi j’aurais participé d’une façon mystérieuse et étrangère… ou plutôt comme quelque chose qui aurait été mêlé à moi, par je ne sais quelle intervention surnaturelle.

De grosses gouttes de sueur couvraient le front de James :

— Alors, reprit-il, vous pouvez voir cette autre personne chez vos parents, devant le vicaire de Saint-Georges et enfin dans cette maison ? Vous savez aussi que j’ai été malade et qu’elle en était cause ? Vous savez qu’elle est devenue malade à son tour et qu’elle a été soignée par le docteur… vous devez connaître le nom du docteur ?

— Le docteur Percy Coleman, dit-elle, dans un souffle.

— By God ! s’exclama-t-il en levant les mains vers le plafond. Est-il possible que vous ayez des souvenirs aussi exacts sur une autre personne, et sur une personne que vous n’avez jamais vue ? Est-ce qu’il ne vous paraît pas infiniment plus naturel de croire que cette personne, c’est vous-même ?

— Plus naturel, peut-être… Contre la vérité, assurément ! s’exclama-t-elle, d’un tel ton de certitude que James en tressauta.

Mais il était résolu à ne tenir aucun compte de ses impressions :