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LA JEUNE VAMPIRE

mistress Grovedale de la ramener au home ; chaque fois, elle reculait devant l’idée de fournir des explications à l’excellente créature. Elle aurait pu mentir, mais le mensonge la dégoûtait… Elle laissa finalement partir sa mère sans avoir pris une décision, puis elle se fit vêtir par la femme de chambre et, étendue sur une chaise longue, elle attendit James.

Lorsqu’il se montra, le trouble d’Evelyn s’accrut jusqu’à devenir intolérable. Lui-même était très gêné. Tous deux se sentaient beaucoup plus séparés encore qu’ils ne l’étaient avant la visite de mistress Grovedale, mais James ne retrouvait pas la crainte et l’inquiétude que lui inspirait l’autre ; celle-ci lui apparaissait plus fraîche, plus charmante, — virginale… Et il subissait une inclination passionnée…

Elle, d’autant plus que l’aspect physique de James était selon son goût, se sentait humiliée, ulcérée, pleine de rancune.

– C’est atroce ! finit-elle par dire. Il est impossible… totalement impossible que nous vivions ensemble… J’en deviendrais folle !


viii


James l’écoutait avec mélancolie. Il la comprenait, il sentait combien la situation devait lui paraître « shocking », il avait une honte bizarre de lui-même, comme s’il s’était conduit déloyalement avec elle. Tout cela ne faisait qu’accroître son goût pour Evelyn. Ce jeune homme intelligent, mais simple à la manière du « gros tas » britannique, éprouvait des sentiments plus complexes qu’un Parisien averti par des fréquentations raffinées et par des lectures trop subtiles. C’était la faute des circonstances. Rien ne pouvait faire qu’il n’eût adoré ce corps charmant ; rien ne pouvait faire que la séduction de ce corps ne fût « rajeunie ». Et — tentation innocente, mais équivoque, invincible aussi — c’était un