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LA JEUNE VAMPIRE

Elle semblait moins nerveuse et beaucoup plus résignée. La présence de James ne parut pas autrement lui déplaire. Dans le fait, elle la distrayait presque. Aussi parlèrent-ils, avec monotonie et douceur, de ces choses innocentes qui entretiennent les causeries britanniques. Mais Evelyn demeurait lointaine.

Au moment où il allait se retirer, elle dit :

— Je ne dois pourtant pas abuser de votre bonté… je compte retourner ce soir chez mes parents !

— Cela me ferait beaucoup de peine ! soupira Bluewinkle… Et que leur diriez-vous ?… Il vaudrait mieux que j’habite le premier étage et que vous demeuriez au rez-de-chaussée. Vous ne me verriez pas… à part quelques minutes chaque jour. Je prétexterais des affaires et j’irais prendre mes repas en ville.

— Cela vous gênerait terriblement, dit-elle.

— Pas du tout !… Ce qui nous gênerait l’un et l’autre, tant que nous n’aurons pas pris une résolution définitive, ce serait cette séparation, — incompréhensible pour vos parents et pour tous. Je vous supplie de réfléchir au moins pendant quelques jours…

Elle savait qu’il avait raison. D’avance, elle redoutait les questions candides de sa mère, et surtout le mécontentement de mister Grovedale, qui avait un sens aigu et presque tragique de la respectabilité.

— Puisque vous le voulez… et que cela vous dérange moins que mon départ, dit-elle après avoir regardé pensivement les longues flammes des wall’s end, je resterai ici quelque temps encore.


Quinze jours coulèrent. Comme James se levait plus tôt qu’Evelyn, il semblait naturel qu’il prît solitairement le thé, les œufs, le bacon, les toasts et la marmelade d’oranges du premier repas. Il lunchait et dînait dehors.

Pour sauver les apparences, Evelyn lui accordait des entretiens qui se trouvèrent moins désagréables qu’elle ne