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LA JEUNE VAMPIRE

les ondes éparses de la chevelure et le cou blanc qu’agitait, par intervalles, un tressaillement.

— Eh bien ? reprit-il avec douceur.

Elle releva la tête. Sa bouche était farouche, sa face hagarde, ses grands yeux pleins d’une flamme de fièvre et de terreur…

Tout à coup, elle dit, d’une voix basse et concentrée :

— J’ai peur… je vais avoir un enfant !

Comme il se penchait, saisi d’une joie obscure, elle cria, dans un délire d’épouvante :

— Un enfant d’une autre femme… un enfant d’un autre monde !…


x


Pendant trois mois, Evelyn mena une existence affreuse. Elle avait le sentiment continu d’être la proie de forces mystérieuses et ennemies ; elle connaissait les affres des tristes créatures qui, aux siècles abolis, se croyaient possédées par le démon. Plus seule encore que naguère, son mal semblait sans remède, et ceux qu’elle aimait le plus — sa mère même — étaient totalement incapables de comprendre sa peine… Il n’y avait que ce James !… Pendant plusieurs semaines, sa présence fut insupportable à la jeune femme. Elle ne lui tendait même plus la main. Elle l’écoutait en silence, prostrée ; elle lui disait à peine une parole, à l’arrivée et au départ ; et son aversion croissait les jours où elle avait un sentiment plus aigu de sa propre injustice.

Après le troisième mois, l’affliction et le dégoût persistèrent, mais il s’y mêla de la résignation. Evelyn céda alors à ce besoin de la confidence, qui est un trait dominant et irrésistible de l’être social. Elle expliquait les nuances de son supplice, elle essayait surtout de faire comprendre cette lutte qui se livrait en elle et où elle discernait si nettement une influence extra-terrestre.