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LA JEUNE VAMPIRE

— Oh ! s’écriait-elle, un soir de février, tandis que la neige s’épaississait sur Londres… je sens si bien que je suis une condamnée et une esclave…

Il l’écoutait avec une patience qui ne se démentait jamais. Et tout en regardant, par le rideau écarté, tomber les plumules argentines, il se mit à dire :

— C’est pourtant votre enfant aussi !

— Non ! non ! fit-elle avec véhémence… ce n’est pas mon enfant !

— Réfléchissez, reprit-il… Peut-être ne l’était-il pas d’abord, ou très peu… je ne sais pas ! Mais il l’est chaque jour davantage ! Depuis bien des mois, n’est-il pas nourri de votre sang ? N’est-ce pas votre force qui le soutient… n’est-ce pas votre vie qui le fait vivre ? Pensez à tout ce qu’il aura reçu de vous, lorsque enfin il verra le jour !

Ces paroles la frappèrent. Elle demeura quelque temps rêveuse, puis elle objecta, mais avec moins de dégoût et d’amertume :

— Est-ce que ce n’est pas pire ?

— Peut-être, si c’était un être abominable. Mais pourquoi serait-il abominable ?

— Parce que l’autre l’était !

— Non ! répondit énergiquement le jeune homme. Elle était étrange, sans doute… mais je peux vous assurer et, en consultant les souvenirs qu’elle a laissés dans votre cerveau, vous-même pouvez vous convaincre que c’était une bonne créature… digne d’être plainte et même aimée !

— C’est vrai ! murmura Evelyn.

Pendant quelques minutes, elle se sentit presque rassurée. Mais, tout à coup, elle blêmit, ses lèvres frémirent.

— Et si cet enfant est un vampire ? cria-t-elle.

James, à son tour, devint pâle ; car, à mesure que le temps avançait, il se sentait envahir par la tendresse paternelle.

— Ce n’est pas probable, riposta-t-il.