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LA JEUNE VAMPIRE

Des jours très doux coulèrent. Dans la grande lumière de juin, au parfum des pollens et des verdures qui montaient du jardin par les larges baies de la chambre, ils sentaient peu à peu s’éloigner l’aventure surnaturelle. La vie terrestre les ressaisissait et les consolait ; le mauvais passé devenait un songe…

Un après-midi qu’ils avaient causé plus longtemps que d’habitude, ils furent surpris par le crépuscule. Une fournaise s’allumait là-bas, parmi les arbres ; des peuplades d’oisillons, filant à travers les échancrures des demeures et des murailles, s’abattaient sur les branches, parmi les ramilles, sur la saillie des toits, avec des sifflements de bonheur.

James avait saisi la main d’Evelyn ; et, comme elle ne la retirait pas, il dit à voix basse :

— Pourquoi ne seriez-vous pas ma compagne ?

Elle ne répondit pas tout de suite, songeuse. Une énergie simple et naïve l’animait ; elle savait qu’elle pourrait vivre de longs jours avec ce grand garçon tendre, mais elle sentit des obstacles qui s’élevaient en elle, et elle soupira :

– Je ne puis pas vous répondre encore.

Ils atteignirent le mois de juin. À part sa fantastique pâleur, l’enfant demeurait normal. La nourrice, qu’il avait d’abord presque effrayée, le prenait en affection. Il criait rarement, il avait de grands yeux glauques, un peu plats, qui semblaient déjà reconnaître les choses et les êtres. James l’adorait, et Evelyn, malgré des retours de crainte, s’attachait à sa singulière petite personne…

— Il n’est pourtant pas comme les autres enfants, disait-elle parfois à Bluewinkle.

Il affirmait le contraire et, bien Anglo-Saxon en ceci, il se forçait à le croire par devoir paternel, par amour du con-